Le dessin de Framasoft qui ne passe pas…

Il y a quelques jours, Framasoft a publié sa charte de modération. Comme attendu, la publication de cette charte a provoqué – comme à chaque fois que Framasoft publie un communiqué officiel, maintenant – un tir nourri de critiques. Ces critiques ont beaucoup affecté des membres de Framasoft que je connais – certaines depuis plusieurs années maintenant – et que j’apprécie, tant pour leur travail que pour leurs qualités humaines. Maïwann, par exemple s’est exprimée sur la question dans un billet nommé Dramasoft.

En plein cœur de cette polémique, un blog que je lis et que j’apprécie a publié un texte qui me semble cristaliser l’essentiel des critiques émises sur un élément du communiqué de Framasoft – son dessin d’illustration – et que j’ai trouvé consternant : Pourquoi j’ai vrillé en voyant le dessin qui accompagnait l’annonce de la charte de Framapiaf…

Je republie ici, pour information, le dessin accompagnant le communiqué :

Le communiqué lui-même est publié ici.

Je trouve, donc, le billet Pourquoi j’ai vrillé… consternant parce que son analyse repose sur des interprétations personnelles discutables, voire carrément des mensongères. Et qu’il le fait pour ajouter son grain de sable dans la vague de Framabashing ambiant. Framabashing qui consiste à sous-entendre, voire carrément affirmer que Framasoft est une association composée uniquement de personnes provenant de groupes sociaux privilégiés et qui contribueraient passivement – voire activement – à l’oppression des LGBTQI+.

Or, comme l’association le rappelait sur son forum et sur Framapiaf récemment, un tiers de ses membres fait partie des LGBTQI+ et, donc, subissent quotidiennement cette oppression. L’auteur ou l’autrice du billet écrit notamment : « deux personnages que l’on peut lire comme masculins » puis : « Sur la droite, surmonté du mot << Après >>, deux autres personnages que l’on peut lire comme un couple hétérosexuel (par leur coiffure et le cœur au-dessus) ».

Il faut savoir que ce dessin est – comme le précise l’article – généré avec GéGé, un générateur de BD reprenant des motifs des dessins de Gee, auteur du blog Grisebouille et membre de Framasoft. Les dessins de Gee ont la particularité d’être simples et de rendre, le plus souvent, le sexe et le genre de ses personnages flous voire indiscernables. Certes, les personnages représentés entre les deux vignettes ne sont pas les mêmes. Et le couple sur la seconde peut ressembler à un couple femme/homme.

Sauf qu’il y a une explication bien plus logique et crédible que la volonté d’invisibiliser les LGBTQI+ que semble sous-entendre le billet. Une explication technique. GéGé ne permet de composer des vignettes qu’avec des dessins préexistants. Il est bien plus probable que les auteurs et autrices du communiqué aient fait avec ce qui était disponible plutôt qu’ils aient eu des arrière-pensées mesquines. Par ailleurs, ces personnages ne sont que ce qu’il et elle sont : des personnages. Rien n’est dit sur leur vie. Il et elle peuvent parfaitement être homo ou trans ou asexuels. Rien ne nous permet d’affirmer le contraire. Présumer de l’hétérosexualité cisgenre de ce couple sur la base de la présence de ce cœur est de la pure mauvaise foi pour appuyer un argumentaire bancal de bout en bout.

Car de mauvaise foi, ce billet – comme beaucoup des attaques contre Framasoft que j’ai pu lire ces derniers jours – en est rempli. Par exemple la partie : « Les << libristes >> considèrent que chacun·e doit décider des messages qu’iel voit sur le Fediverse ». Or les choses sont plus subtiles. Ce groupe social que l’on pourrait qualifier de « libristes » est très loin d’être un groupe homogène. Déjà parce qu’il est aussi composé de personnes LGBTQI+ et, ensuite, parce que même le sous-groupe cishet de cette communauté est traversée de contradictions et de débats politiques, et travaillé par le féminisme et toutes les luttes contre les oppressions.

Ce dessin mérite d’être interprété autrement. Et notamment comme une représentation (assez fidèle, je pense) de certaines positions très caricaturales qui ont pu être prises au cours des quelques dernières semaines où certaines personnes ont effectivement tenté de réduire le débat à une opposition entre ces deux camps en utilisant les termes utilisés dans le dessin (« libriste » et « safiste »).

Les débats récents autour de la modération ont produit des discours intéressants qui m’ont beaucoup fait réfléchir. Elles ont aussi donné des échanges non-constructifs, ridicules, voire foncièrement malsains. Et parmi les personnes qui revendiquent faire partie d’une communauté opprimée et entendent lutter contre les oppressions, j’ai pu en voir lancer des appels au meurtre.

Je pense que ce sont ces échanges-là, cette ambiance-là que le dessin a essayé de capturer.

Déjà un avis pertinent dans Le dessin de Framasoft qui ne passe pas… :

  • Gilles
    Ce que je préfère dans le billet anti dessin, c’est d’abord « Les libristes sont marginalisés dans la société ». Ha ok. Genre ils subissent une oppression systémique ? :D
    Et ensuite la dénonciation de Bortzmeyer LOL

Les commentaires sont fermés.