Trop bon, trop con

J’avais déjà commencé à traiter ce sujet dans l’article L’objectivité du conseiller.

« Trop bon, trop con », on est sûrement un paquet a l’avoir ressenti. On peut nous demander de dépanner le pc perso d’un collègue, récupérer des photos perdues, réparer un pc portable. On le fait pour rendre service avant tout. Sauf que le monde est ce qu’il est et ce n’est pas le monde des bisounours. Tendez la main et on vous arrachera le bras. J’exagère évidemment mais…

Pour certaines personnes il est difficile de ne pas aider car elles ont la main sur le cœur. Dire non ce n’est pas facile, c’est même très difficile. Il faut être allé au bout de plusieurs réflexions et se tenir à une certaine discipline.

Le respect

Le respect c’est la base d’une relation saine avec une autre personne. Malheureusement le respect se perd de plus en plus de nos jours. Dans une relation où on rend service le respect s’il n’est pas présent doit être imposé car sans respect il n’y a rien.

Autonomie et assistanat

Si tu donnes un poisson à un homme il mangera un jour ; si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours. Donner un coup de main une fois c’est bien. Résoudre 3 fois le même problème de la même personne ça devient de l’assistanat. Le respect passe également par le fait que la personne demandant un service sache se remettre en cause et qu’elle apprenne de ses erreurs.

Le ticket d’entrée

Il ne faut pas accepter tout le monde. Il faut mettre en place une sorte de ticket d’entrée. Si on ne met pas un minimum, certains se disent que c’est gratuit, qu’il n’y a pas de limite (à l’indécence), que de toute façon ça vous prendra peu de temps (ou que vous aimez ça) et ils vous rongeront jusqu’à l’os. Aujourd’hui le mot gratuit c’est magique, on en prend 15 même si on en a besoin de 2. On s’en fout c’est gratuit, pas besoin de réfléchir.

Ce ticket d’entrée trie les gens incapables d’être juste et raisonnable avec leurs demandes/besoins. Ça impose un cadre aussi minime soit-il : on ne demande pas tout et n’importe quoi.

La rétribution

Le principal problème de mettre un ticket d’entrée c’est que la personne en face se sentent dans un service tarifé. Elle vous a donné 10 euros ou une boîte de chocolats, elle attend que son pc marche même si vous y passez 3 jours.

Il faut annoncer que ce ne sera pas gratuit mais que la « rétribution » se fera à la fin. De cette manière si le service vous prend trop de temps, vous emmerde, est impossible à résoudre, la personne repart avec son problème mais vous ne lui devez rien. Cette même personne ne vous a rien donné, elle ne se permettra donc pas d’exiger quelque chose de vous.

Pas de promesse, pas de délai

Il faut rester dans le flou, le plus vague possible. Lorsqu’on vient vous donner le matériel ou vous demander un service, on parle, c’est naturel. L’erreur c’est lors de cette discussion de commencer à dire « je pense que ça doit être le disque dur », « je regarderai ça ce week-end », « à mon avis ça me prendra une heure max, no problemo ». Vous venez de vous imposer des contraintes notamment en terme de temps, définition et résolution du problème. Moins vous en dites, plus vous pourrez allonger le délai, moins vous vous mettrez la pression, plus le champ d’action sera vaste.

Attendre quelque chose en retour

Il ne faut pas s’attendre à quelque chose en retour genre que le monde change, que les gens deviennent responsables et généreux, qu’ils s’entraident, qu’ils vous remercient en vous vouant un culte. C’est la déception et la désillusion qui vous guettent.

C’est de l’entraide basique. Tu me passes ton stylo, je te prête ma gomme. Le meilleur résultat qu’on peut obtenir c’est soit un service en retour soit que la personne en face prenne conscience de son problème : Arrêter d’installer tout et n’importe quoi, installer un antivirus, sauvegarder ses données. C’est un résultat honorable dont on peut être fier, ça arrive malheureusement rarement.

L’informatique

Il faut être conscient que nous sommes soumis à des difficultés qui nous dépassent.

Les pc portables sont de plus en plus fins, parfois irréparables (matériel soudé) voire jetables. Les systèmes d’exploitation de Microsoft cannibalisent les données personnelles des utilisateurs. Des logiciels pré-installés pourrissent les pc neufs. Les vendeurs sont souvent incompétents à vendre un pc correspondant aux besoins du client. Les utilisateurs n’ont aucune hygiène informatique. Toute la chaîne de production (matérielle et logicielle) se fout complètement de la sécurité, c’est le parent pauvre, l’objectif premier c’est que ça marche et que ça se vende. Certains gros sites refilent des logiciels avec des adwares et c’est légal. L’obsolescence programmée est une réalité.

Je m’arrête là mais je pourrais continuer. On peut se demander si tel Don Quichotte on ne se bat pas contre des moulins à vent.

La discipline

Il est très difficile de dire non. C’est en général des personnes qu’on connaît boulot, amis, connaissances, famille qui nous demande un coup de main. Il n’y a pas de secret, il faut de la discipline. Il faut réellement se forcer, s’entraîner à dire non.

Dire non est ressenti comme une trahison. Pourtant dire non c’est accepter de se respecter soi-même, se considérer dans l’équation : c’est notre temps, notre choix, nos priorités dans la vie. Quand je passe deux heures à réparer un pc portable, c’est deux heures où je ne suis pas disponible pour mon fils ou pour écrire un article. C’est gérer ses priorités dans la vie.

La limite

Le « Trop bon, trop con » correspond à un ras-le-bol, une limite qui est franchie. En général quand on utilise cette expression, c’est qu’il est déjà trop tard. On n’a pas su dire non, cerner notre limite.

Le risque à toujours aider, c’est de se faire arracher le bras alors qu’on tendait juste la main. C’est de ne plus aider, dégoûté par le comportement irrespectueux des autres.

Je pense que ceux qui aident trop souvent sont dans l’erreur. C’est un gouffre sans fin. Le monde est rempli d’injustice, de personnes à aider, de combats urgents et importants. Porter toute la misère du monde sur ses épaules, ce n’est pas tenable. Il faut choisir ses combats, toujours garder une distance raisonnable (sans quoi on se sent trop concerné et parfois on en souffre), définir ses priorités dans la vie.

Pour conclure il faut s’entourer des bonnes personnes, contribuer aux projets qui nous ressemblent (ça évolue avec le temps évidemment), s’occuper des gens qu’on aime.

Déjà 9 avis pertinents dans Trop bon, trop con

  • Je ne crois plus au « trop bon trop con ».
    C’est une forme de rejet de la faute sur l’autre : tu dis à l’autre que tu es « trop bon trop con » donc c’est de sa faute.
    Soit tu acceptes d’aider, soit tu n’acceptes pas.
    La contrepartie n’a rien à voir là-dedans.
    Mais peut-être que l’ego un peu surdimensionné de certains de cette « blogosphère » dans laquelle tu gravites devrait se remettre en question et ne plus vouloir que le monde tourne comme ils le veulent alors que le monde tourne avec ou sans eux.
    Bizarrement, cette remise en cause ne semble pas à l’ordre du jour.
    Du coup je commente moins, je laisse les égos à leur place sur leur blog ou leur réseau pseudo-social, c’est-à-dire seuls à courir autour d’eux-même.
  • Cascador, tu apprends (enfin) la « vraie vie » et que le monde des bisounours n’existe pas.
    Pour rester dans les maximes :
    Un pessimiste, c’est un optimiste qui a de l’expérience.
  • Billet intéressant. Je pense qu’il faut effectivement savoir dire non, surtout si on a pas envie de le faire… en général on a pas trop envie de se taper un photorec/testdisk pour quelqu’un que l’on apprécie peu ! pour un proche en revanche qui a perdu toutes les photos des gosses ça se fait. Personnellement j’ai tendance à être réaliste face à la situation dès le départ en commençant par le scénario le plus mauvais, histoire de ne pas trop se mettre de pression. Car au final si tout fonctionne la personne se rendra compte (parce qu’on va lui dire après qu’elle le demande – si ce n’est pas le cas alors c’est la dernière réparation pour elle!) que ça a pris du temps.

    Avec les bons outils / accessoires on gagne du temps, sous réserve de pouvoir en consacrer un minimum. En général je trouve que l’on se met un peu trop la pression sur le timming, même si ça ne presse pas tant que ça :)

  • tornade
    Bonjour, très intéressant,
    Pour moi petit retour en arrière 5 ans, je passais mes WE sur les postes des copains, et qu’est ce que j’avais comme copain qui ont des problèmes informatique. Et puis ma femme qui demandait toujours tu viens te promener avec nous ?
    Bon et puis un jour, marre, marre, marre, idem toujours le problème, toujours le même, toujours urgent.
    Donc j’ai décidé pas de délai … Quand j’aurais le temps, tu sais ce WE je suis au ski, au lac, d’ici 15 jours, 3 semaines.
    Bon ok j’ai eu beaucoup moins de copain, mais alors maintenant quand le fait c’est encore pour le plaisir de rendre service. Mais y en plus beaucoup qui demande.
    J’ai aussi essayer le troc, je m’occupe de ton pc, mais tu me prete ta mini pelle, ton camion … Ca marche moins bien, il y a toujours des problèmes d’assurance.
    J’ai moins de copains, mais j’ai maintenant plus de temps avec ma famille.
  • Zelf
    Bonjour,

    Moi aussi on m’a demandé beaucoup. Maintenant beaucoup moins.

    1- Je ne donne plus de délai ni de garantie sur le résultat.
    2- Je n’avance pas les frais sur le matériel. c’est fous ça les gens vous demande un service mais en plus on vous prends pour une banque.
    3- Je ne prend pas en garantie. Ils ont acheté le matériel il peuvent appeler le sav.
    4- Je ne suis pas non plus conseiller avant vente. Une question matos j’expedie ça en 30 secondes généralement.
    5- Je suis plus conciliant avec les gens qui me rendent la pareil (exemple mon oncle qui entretien ma voiture,bah forcement, il y a un échange de bon procédé)
    6- J’essaie le moins possible de dépanner les collègues de bureau et appliquer n°1. Forcément, on les voit très souvent, et ils ont tendance à croire que ça fait parti du boulot. Le boss y compris.
    7- Les vagues connaissances, les amis d’amis c’est tarifé, à l’heure. Et c’est pas plus avantageux que d’aller au réparateur du coin. Ce que je leurs conseille vivement.

    Malgré tout ça j’ai encore environ une sollicitation par semaine. Et je fais quelques entorses a ces règles, soit de la famille ou amis proches, soit des gens dans une situation délicate. Mais j’ai du apprendre à dire non, ou a poser des conditions, et ça m’as pris 10 ans.

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