la continuité pédagogique renforce-t-elle la continuité des inégalités ?

Tous les parents de ce pays sont donc devenus professeurs de leurs enfants depuis le 17 mars dernier. L’improvisation est totale puisque nous sommes dans un scénario totalement inédit : celui du confinement physique et social, enfermés avec nos enfants.

Que dire après ces trois semaines de démarrage ?

Sans matériel approprié, difficile de travailler dans bonnes conditions.

Sans humanité, la transmission pédagogique est plus difficile.

Au collège, par exemple, les cours et le travail à faire sont donc envoyés par les professeurs via Pronote, un espace en ligne accessible par les professeurs et les élèves.

Dans l’idéal, il faut un ordinateur, une connexion internet et un endroit pour travailler. Rapidement, plusieurs problèmes apparaissent. Les élèves ont-ils tous un ordinateur ? En état de marche, sans trop de malwares, correctement mis à jour avec des logiciels comme LibreOffice ou Office pour travailler ? Cet ordinateur est-il dans un espace correct pour travailler ? J’entends un bureau ou une table sans trop de bruit autour, sur laquelle poser un cahier et son bras pour écrire ? La connexion internet tient-elle le coup quand tous et toutes la sollicitent ?

Le confinement a révélé l’état du monde numérique familial français . Et il s’avère douloureux. Les priorités de demain seront certainement d’identifier les manques matériels et de pallier à ce manque par des dons, des achats de matériel d’occasion et pour ceux qui le peuvent du matériel neuf. Il faudra conseiller les futurs acheteurs selon leurs besoins et éviter les machines, portables ou machines fixes, vendues en tête de gondole bas de gamme et quasi obsolètes dans les grandes surfaces.

Mon deuxième point rejoint l’enseignement comme relation humaine.

Les parents découvrent également les joies de l’enseignement à la maison et non plus simplement le « faire les devoirs » du soir. Il faut expliquer les notions, idées et problèmes à ses propres enfants. Il faut « vraiment » enseigner. Difficile tache. Surtout à ses propres enfants, n’est-ce pas ? C’est l’occasion de (re)découvrir leurs enfants sous un autre prisme.

L’organisation familiale s’en retrouve complètement rebattue. Les scénarios sont multiples, selon l’age des enfants, si les deux parents sont à la maison toute la journée ou si l’un des deux travaille à l’extérieur. Comment caser les temps d’enseignement quotidiens entre les courses, les repas à préparer, les sorties autorisées, les plages de jeux et de décompression des enfants, etc ?

D’après ma lucarne, le constat est que c’est plutôt compliqué pour les enfants du collège et du lycée. L’absence de contacts humains, d’interactions et de contacts avec les professeurs les minent. Certains travaillent dans le bruit et la promiscuité, se battent pour avoir accès à un ordinateur à la maison (quand ils en ont un…) pendant que la connexion internet sature.

Je lis un grand nombres de témoignages sur le forum de Cyrille, sur des forums de professeurs (en voici un)  et via les réseaux sociaux pour les parents : tout le monde essaie de faire bonne figure mais au final peu d’élèves savent s’auto-discipliner, s’organiser et beaucoup saturent. Ils n’ont plus personne au quotidien pour les stimuler, hormis les parents vus comme une menace ou comme n’étant pas à la hauteur, voir pas légitimes pour enseigner ! Des élèves démarrent leurs devoirs en ligne et abandonnent au bout de quelques heures. D’autres les envoient à deux heures du matin. De plus en plus d’élèves décrochent car ils n’ont personne au quotidien pour les stimuler et les motiver. Le professeur n’étant plus là concrètement pour le faire, leur entourage n’est pas ou peu en capacité de le faire.

La « continuité pédagogique », c’est bien mais la « continuité humaine et relationnelle », c’est mieux (merci Amal pour ce terme si bien trouvé). La fameuse révolution numérique ne peut pas pallier le manque de relations humaines. Et cette révolution numérique semble être une chimère pour les moins parés, en matériel et en compétence.

Alors le futur ?

Former les élèves au numérique : pas celui qui veut qu’on devienne codeur-programmeur ou web designer, mais le numérique du quotidien, celui qui permet d’allumer un ordinateur et de comprendre comment ça marche et ce qu’on fait devant. Comprendre les outils les plus simples, comme utiliser un email, un traitement de texte ou un outil de capture d’écran pour annoter des pages web ou des .pdf. Comprendre comment fonctionnent les répertoires d’un système opérationnel, Mac, Windows ou Linux, pour ranger proprement son travail, ses documents, ses dessins, ses images.

Et s’équiper correctement pour pouvoir produire du contenu et ne plus simplement être passif devant un smartphone ou une tablette.

Quant aux enseignants ? Il reste de mon point de vue la variable incontournable d’un enseignement humain et de qualité.

Le chantier du numérique du quotidien est maintenant ouvert. A démarrer dans « le monde d’après » ?

Déjà un avis pertinent dans la continuité pédagogique renforce-t-elle la continuité des inégalités ? :

  • Mon fils ayant un papa geek il est équipé grâce a saint CB d’un vénérable Dell ancien qui permet de suivre les instructions des profs qui indiquent la marche à suivre pour produire des devoirs en LibreOffice. Au-delà de sa chance d’avoir le dépannage à domicile, je constate qu’il se débrouille, rate des bases (scan un devoir et lui donne toujours le nom par défaut donc écrasement vive le versionning et il refait les anciens scans parfois) etc. Mais je constate donc que dans l’EN on s’est attelé à la tâche. Peut-être par confinement, avant il n’avait rien à rendre en numérique, tout en présentiel.
    Le confinement révèle bien l’indispensabilité du présentiel d’ailleurs.

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