Carences

Quand je regarde mon dernier article technique sur Borg, je me demande si ça servira à d’autres que des pros. Je pense que c’est encore trop compliqué : outil en Anglais, lignes de commande, concepts complexes (chiffrement, compression, déduplication). A la fin la sanction : il faudra un script pour automatiser la sauvegarde. Parler d’un script à un débutant… c’est un non-sens.

En 2016 certains « fondamentaux » (sauvegarde, mises à jour, mots de passe différents et complexes, hygiène informatique) ne sont pas compris par l’immense majorité des utilisateurs. Je propose qu’on se marre un bon coup en pensant pare-feu, CGU, tests de restauration et données personnelles. C’est tout simplement le bout du monde.

On vient de fêter les 25 ans du noyau Linux. L’informatique sera partout dans les 25 prochaines années mais politiquement aucune action pour aider à sa compréhension, pour appréhender les changements profonds que ça va amener dans nos vies. L’état cède sa place à des bénévoles car il est en incapacité d’assumer son rôle. Je pense à DFLinux, le réseau d’éducation populaire Framasoft, les personnes qui partagent leurs connaissances (blogueurs, podcasters, youtubeurs). Gérer la compréhension des enjeux et des changements qu’apportent l’informatique dans la vie des gens ça n’est pas important ?

J’ai personnellement du mal à supporter ce recul de l’état chaque jour dans tous les domaines. Il montre incapacité et impossibilité à tout gérer. C’est finalement à chaque citoyen d’investir l’espace public et de combler les carences de l’état.

Déjà 18 avis pertinents dans Carences

  • A1
    Petit rappel simple: les tâches de l’état sont avant tout celles liées à la souveraineté. Ces fonctions, dites régaliennes, sont assez clairement définies, et ne sont pas directement en lien avec l’informatique: sécurité, droit, justice, monnaie, etc.

    L’état peine déjà à assurer ces fonctions-là. Il peine aussi à orchestrer d’autres aspects de la vie en société autrement plus essentiels que l’informatique: santé, éducation, etc. Je trouve par conséquent assez ridicule, voire dangereuse, l’idée de lui demander de prendre en charge encore davantage d’aspects car son inefficacité serait encore amplifiée. Ce n’est pas pour rien que la question de la séparation des responsabilités est un concept extrêmement important en ingénierie logicielle: faire une chose et le faire bien, s’interfacer avec d’autres, et faire naître la complexité souhaitée non par par une démarche d’agrégation et d’intégration monolithique, mais au contraire de structures modulaires et indépendantes qui s’interconnectent.

    Pour revenir à l’état: il ne peut pas tout, à vrai dire il ne peut même plus grand chose: son périmètre efficace est aujourd’hui très limité et se réduit même comme peau de chagrin. Cette tendance, qu’on la déplore ou qu’on la soutienne, n’est je crois pas prêt de changer. Concernant l’aspect informatique, ce n’est peut-être pas un mal: il a singulièrement démontré son incompétence pathologique dans ce domaine, et risquerait par ses interventions intempestives de faire davantage de mal que de bien. Voir par exemple les travers des initiatives qu’il prend vis-à-vis de la vie privée. Es-tu vraiment certain de vouloir un état prendre en charge un domaine dans lequel il est incompétent ? Moi, non. Il faut premièrement qu’il monte en compétence dans ce domaine-là, ce qui ne saurait être une priorité du même ordre que ses fonctions régaliennes qui sont autrement plus complexe et nécessaire, bien qu’il les recoupe chacune.

    De toute façon, je crois que c’est aux citoyens de faire advenir le monde qu’ils souhaitent, que ce soit directement par leurs actions, ou indirectement par leurs votes. Les politiques sont à l’image du peuple qui les élit :-/

    A1

  • A1
    Je ne répondais que sur la partie sur l’état. Pour prolonger, je crois que c’est surtout notre autocritique, nous qui savons et faisons un peu « d’informatique », qui est nécessaire. Si les outils ne sont pas « suffisants », c’est parce que nous ne les faisons pas « suffisants ». Je ne vois pas en quoi c’est une chose supplémentaire qu’il est possible de reprocher à l’état. Sa nature impersonnelle l’expose déjà suffisamment à être utilisé comme confortable bouc-émissaire pour ne pas nous dédouaner sur son dos de nos propres manquements.

    Concernant Borg, qu’a-t-il qui ne soit pas suffisant pour ton usage ? Couplé à borgmatic, surtout avec les nouveautés annoncées pour la version 1.1.0 (cf. ici), il me semble très complet. Ensemble, nous avons une infinité d’usages différents. Ce qui fait la perfection d’un outil n’est pas sa possibilité de répondre à tous, mais de répondre à chacun de façon adéquat à son besoin. D’où l’importance de la diversité logicielle, et donc l’importance du logiciel libre par l’écosystème qu’il permet.

  • A1
    Ah, OK. En lisant « Je ne souhaite pas davantage que l’état s’occupe de ces problèmes mais je remarque avec force que c’est une chose supplémentaire qu’on peut lui reprocher et je souligne l’importance du sujet », j’avais compris que tu faisais le reproche à l’état de ne pas s’occuper de ces questions. Du coup, si ce n’est pas le sens de la phrase, je me demande ce qu’elle veut dire ?

    Je te rejoins sur la difficulté pour un débutant d’appréhender Borg. Si c’est dans le contexte professionnel, j’imagine que la sauvegarde sera gérée par le service compétent. Si c’est un indépendant et/ou dans un contexte personnel, j’imagine qu’il aura je pense plus tendance à aller vers un service tout compris comme Crashplan par exemple, ou qu’il fera ses sauvegardes manuellement sur un disque externe. Ce sera suboptimal, mais pour lui, ça « fera le job ». La question, en creux, c’est de savoir de quel débutant tu parles ? De l’utilisateur ? Du sysadmin débutant ?

    Dans le monde de la pomme, Time Machine a rendu depuis bien longtemps le backup très, très simple. Dans le monde Linux, il y a pléthore de stratégies possibles, et c’est une richesse. C’est donc surtout dans le monde Windows que la question se pose il me semble, même s’il doit y avoir un logiciel de sauvegarde intégré au système, non?

  • Ookaze
    Je ne suis pas d’accord avec la plupart de ce que vous dites.
    Je ne vois pas en quoi parler d’un script à un débutant est un non-sens, en fait les deux n’ont aucun rapport entre eux.
    Les « fondamentaux » dont vous parlez sont bien des concepts de base, et effectivement, ils ne sont pas compris par la majorité des « utilisateurs », et à fortiori des gens en général, mais ça, ça vaut pour toute l’informatique, y compris dans les milieux où l’on trouve des « professionnels de l’informatique » (la plupart n’y comprennent rien non plus).
    Et d’après mon expérience, tout a été fait pour que ce soit le cas : c’est principalement là-dessus que je ne suis pas d’accord avec vous.
    Et par les gouvernements occidentaux successifs, pas par l’État. Vous pensez que les gouvernements sont incapables de gérer cela, alors que j’ai pu observer et confirmer que l’état actuel est au contraire une volonté délibérée de leur part.
    J’ai eu la chance de connaître l’informatique dans les années 80, et j’ai toujours survolé largement au-dessus de tout cursus scolaire dans ce domaine, et la volonté était plus de promouvoir des entreprises que d’apprendre quoi que ce soit aux enfants. Quand nous avions des TO5 (ou MO5) dans les classes à l’école avec un contenu de cours ridicule en Logo au collège, alors que pendant ce temps dans le club informatique (donc géré par nous élèves complètement autodidactes), on avait un Atari ST et un Amiga 500 et un PC aussi, sur lesquels on développait en C des automates (et par intermittence on jouait à des jeux vidéo), ça montre le gouffre de l’époque.
    Et ce gouffre n’a fait que s’agrandir depuis, et le but est toujours d’enrichir des entreprises (en s’enrichissant au passage évidemment) au détriment d’apprendre quoi que ce soit d’utile aux gens.
    On n’apprend pas les concepts de base aux gens, seuls les plus débrouillards ou un peu éduqués par d’autres viendront même à se poser la question de la sauvegarde. Je me suis rendu compte que la plupart des gens se fichait royalement de perdre toutes leurs données, alors que j’ai gardé toutes mes données depuis les années 90 (excepté ce que j’ai perdu à cause de Windows, ce qui m’a fait basculer complètement sur Linux en 2001) et que ces données sont les choses auxquelles je tiens le plus. Comme quoi ce ne doit pas être si important pour eux, mais je digresse.
    Il n’existe aucun logiciel « pour débutant » pour faire de la sauvegarde, sur Linux comme ailleurs. Faire des sauvegardes nécessite de maîtriser des concepts de base, ne serait-ce que pour la mettre en place ou pour restaurer.
    Je ne pense donc pas qu’il faille se créer de l’anxiété pour un état de fait installé délibérément et que l’on ne pourra de toutes façons pas changer. La seule solution viable pour les béotiens, est qu’ils paient un service et offrent toutes leurs données à des experts qui eux sauront gérer leurs sauvegardes et restaurations.
    Ce qui n’enlève rien à la pertinence de vos articles que vous faites pour aider les autres qui ont fait les premiers pas, pour les aider à s’élever un peu plus éventuellement.
    Personnellement, j’utilise burp (2.0 avec le protocole 1), créé par un Français il me semble, qui est plus compliqué à installer, car il utilise une PKI (mais gérée en interne), masi très simple à utiliser une fois installé, et très efficace. J’ai juste un problème avec dû à sysfs sur les derniers noyaux Linux, mais je vous le conseille néanmoins. Il fait également de la déduplication.
  • A1
    Tu dis toi-même que tu parles de l’utilisateur débutant. Celui-là, par définition, débute dans son identité d’utilisateur. Il a un niveau de compétence déjà supérieur à celui de la population générale, car je crois cette dernière est lestée par beaucoup de personnes qui ne pratiquent rien du tout – je ne compte pas comme utilisation le fait de cliquer dans un navigateur et/ou de lancer word. Ceux-là, qui ne pratiquent pas, ne sont pas peut-être même pas dans une relation d’utilisateur à outil, car pour eux la nature de l’outil est masqué par l’incompréhension qu’ils en ont, lui attribuant des pouvoirs magiques et bien souvent une volonté et une puissance propre. C’est l’animisme technologique. Pour eux qui sont inféodés à ces esprits magiques particulièrement rebelles, l’idée même de pouvoir les contrôler, les utiliser – donc de faire d’eux des outils – est totalement hors de leur champ cognitif.

    Pour en revenir à l’utilisateur qui débute, il n’est donc pas comme tu le marques celui « qui utilise l’outil mais qui ne sait pas plus que ça le dépanner/réparer », mais celui qui commence à avoir l’idée qu’il s’agit d’un outil qu’il va essayer d’utiliser. La question de la réparation ou du dépannage restera très probablement toujours hors de sa portée. Du coup, ta notion de débutant me semble assez floue.

    Utiliser linux, c’est bien souvent faire déjà parti du top 1% en terme de compétences, par rapport à la population générale. Celui dont tu parles en disant qu’il commence à se dire qu’il pourrait bricoler ses outils est un utilisateur avancé au point que ne trouvant pas de solution à son problème, il a emmagasiné suffisamment confiance en lui pour penser qu’il peut essayer d’y apporter une réponse par lui-même. Autant dire que c’est une quantité absolument ridiculement infinitésimale. Eux, ils n’ont rien du tout de l’utilisateur débutant, et je crois que c’est à eux que tu t’adresses. Le débutant, pour tout un chacun, c’est bien souvent tout simplement celui qui en sait moi que soi-même: c’est si relatif que ça veut tout et rien dire, surtout dans un domaine comme l’info où les autodidactes sont légions parmi les professionnels.

    Donc, par définition, l’utilisateur qui débute ne sauvegarde pas, faute d’être sensibilisé à la perte de données. Le débutant, d’ailleurs, peine déjà assez à les produire pour que ce soit là sa première priorité. Il ne sauvegardera donc pas, et donc a fortiori, surtout pas en ligne de commande qu’il sauvegardera. Borg et donc tout à fait hors de propos. Il fait une chose: la sauvegarde. Un autre outil pourrait fournir une GUI. D’ailleurs, il est question d’une WebUI – mais une telle logique reste relativement avancée, beaucoup d’utilisateur même avancés peinant à faire la différence entre un site web et l’interface web d’un logiciel installé localement.

    Merci pour ton explication sur l’état. Effectivement, je viens de tilter qu’il était nécessaire que tu fasses « tilt ». Il est beaucoup question de définition, il me semble: un « état », c’est quelque chose de très précis. Se référé au signifiant sans l’avoir préalablement intérieurement solidement connecté au signifié, c’est le meilleur moyen de se perdre soi-même dans sa pensée, et d’y noyer les autres par la même occasion. Question de rapport signal-bruit.

  • A1

    Vous pensez que les gouvernements sont incapables de gérer cela, alors que j’ai pu observer et confirmer que l’état actuel est au contraire une volonté délibérée de leur part.

    En ce qui me concerne, je dis que l’état a une volonté délibérée d’assurer sa fonction, que l’informatique n’est pas dans ses priorités, et que par conséquent il ne se donne pas les moyens de la gérer. Cette mécanique me semble tout à fait compréhensible.

    Il n’existe aucun logiciel « pour débutant » pour faire de la sauvegarde, sur Linux comme ailleurs.

    Si: Time Machine sur macOS. C’est exactement ça. Ce n’est pas une sauvegarde parfaite, ce n’est pas parfaitement fiable, mais c’est vraiment remarquable de facilité d’utilisation et d’efficacité.

    Pour la suite, je te rejoins complètement sur le fait que la technologie est généralement utilisée par ceux qui la maîtrisent en vu d’augmenter leurs profits. C’est vrai bien au delà de l’informatique, et c’est effectivement un problème car toutes les compétences se retrouvent mécaniquement dans le secteur privé, laissant les pouvoirs publics bien démunis.

  • A1
    Oui, je te connais :) Si je marquais la dernière phrase, ce n’était pas tant pour toi que pour de futurs lecteurs qui ne te connaîtraient pas ^^
  • Ookaze
    > Si: Time Machine sur macOS. C’est exactement ça. Ce n’est pas une sauvegarde parfaite, ce n’est pas parfaitement fiable, mais c’est vraiment remarquable de facilité d’utilisation et d’efficacité.

    C’est exactement ce que j’appelle « ne pas faire de la sauvegarde ». Pour moi, une sauvegarde est forcément parfaite et fiable, sinon ce n’est pas de la sauvegarde. Une fois que ma sauvegarde est en place, je suis censé pouvoir dormir sur mes deux oreilles et supprimer toutes mes données sauvegardées sans le moindre début d’anxiété. Et quand je dis parfaite, je ne dis pas que toutes les sauvegardes s’effectuent sans problème, mais que s’il y a un problème, il soit détecté et clairement indiqué : c’est-à-dire que je sais que cette sauvegarde est à jeter, si l’outil ne l’a pas déjà fait. Avec ces critères, même pour quelqu’un qui s’y connaît, on élimine très vite la plupart des logiciels.

  • Ookaze
    Il est vrai que je ne suis pas de la génération Twitter, et encore, j’ai été très concis par rapport à ce que je voulais dire.
    Il n’existe aucun logiciel pour débutant pour faire de la sauvegarde, si l’on entend par débutant, quelqu’un qui n’a pas les concepts de base nécessaires, ce qui était le contexte. Une telle personne n’y comprendra strictement rien, même avec une belle interface pleine de couleurs, ce qui n’est pas du tout le summum de l’ergonomie comme beaucoup semblent le penser.
    Burp par exemple propose des interfaces curses ou Web, certainement perfectibles, donc il est possible de présenter les informations de manière simple. Mais cela n’a rien à voir avec présenter les informations pour un débutant, je pense que c’est tout simplement incompatible.
    Time Machine est un bon exemple : ça sauvegarde tout et ça permet de restaurer, mais uniquement dans le cas où vous avez perdu des données. Si le système, et surtout votre configuration de Time Machine est morte avec le reste, eh bien il faut revenir à un état où l’OS et Time Machine seront à nouveau fonctionnels et configurés à l’identique pour restaurer. Dans la sauvegarde, ce n’est pas l’acte de sauvegarde lui-même qui est compliqué (c’est même très simple pour du basique), c’est la restauration et tout ce qu’elle implique, or un débutant est incapable de gérer tout cela.
  • A1
    Time Machine permet de faire de la restauration sélective, tant au niveau des bêtes fichiers du disque dur que données des applications qui le supporte (genre Apple Mail par exemple) indépendamment de toute perte, à la demande et avec une interface graphique adaptée aux grands débutants. Sa configuration est stockée sur le support de sauvegarde, lequel peut être un disque externe ou un montage, par exemple depuis un Synology. Dans le premier cas, il averti lorsqu’aucune sauvegarde n’a été faite depuis un certain temps. Dans le second, Il est 100% automatique. Lorsqu’il a un problème, il le signale très clairement, incitant l’utilisateur à refaire une sauvegarde complète plutôt qu’une sauvegarde incrémentale comme il le fait habituellement. Si le disque du mac est chiffré, la sauvegarde l’est aussi, côté client. Pour autant que je puisse en juger, il n’y a que la déduplication au niveau des blocs du FS qui manque (sauf erreur, il la gère au niveau des fichiers), qui permettrait d’économiser de l’espace. C’est une solution particulièrement impressionnante en terme de ratio fonctionnalités/facilité d’utilisation. À mon sens la meilleure.

    Quant à ce que tu dis plus haut, qu’un backup doit être parfait ou ne pas être considéré comme backup, je ne suis pas bien d’accord. Parfait est une norme idéale. Dans le monde réel, tout est affaire de compromis. Tu devrais rajouter « parfait pour moi ». Time Machine est excellent pour la plupart des gens qui ignorent pourtant tout des sauvegardes. C’est pour ça qu’il fait fort. Tu as tout à fait le droit de l’aimer, tout comme moi qui préfère borg. Pour autant, j’ai du mac et du linux chez moi, j’utilise Time Machine avec le mac, depuis très longtemps et sans jamais m’être pris la tête ne serait-ce que 10 minutes.

  • A1
    Je reviens sur ce que j’ai dit concernant Time Machine et le chiffrement. Il n’est pas automatique même lorsqu’on utilise FileVault. Il est donc nécessaire – mais heureusement facile – de chiffrer un disque préalablement à l’utiliser comme sauvegarde.

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