La différence s'appelle l'amour

Aujourd’hui nous allons parler d’un débat qui agite souvent la communauté, faut-il encourager ou condamner la propension à ce que chaque bricoleur/développeur édite et diffuse sa propre distribution ?

Ce qui me gène très régulièrement quand on est contre ce qu’on appelle le fork compulsif, c’est qu’on désincarne les hommes, les choix. On présente le résultat final sans se demander ce qui a conduit à cela et ce que ça a apporté finalement.

Au commencement on a un logiciel Libre qui par définition permet de faire ce que l’on veut avec. C’est ça qui est beau. Par conséquent on peut décider d’en faire de belles et grandes choses mais également parfois des choses moches et inutiles. C’est le jeu. Nous serons probablement tous d’accord pour préférer que ça serve à faire des choses utiles. Ce n’est cependant pas le cas de tout le monde et le logiciel Libre le permet aussi. Si on apprécie les logiciels libres et GNU/Linux, il faut accepter les bonnes et les mauvaises choses engendrées par les licences libres.

Un développeur solitaire décide de donner sa vision de Ubuntu, il change le fond d’écran et les couleurs des fenêtres puis colle sa distribution sur DistroWatch. En a-t-il le droit ? Oui assurément et assurément il ne faut pas lui enlever ce droit parce que lui contester ce droit, c’est contester le fondement du logiciel libre.

La plupart du temps on se focalise sur cet exemple désincarné (même si on retrouve des exemples pas très éloignés dans la réalité lol). Pourtant on oublie que le développeur qui se lance dans cette aventure, joue pleinement le jeu du logiciel libre. Il croque à pleine dent ce qu’offre le logiciel libre, la possibilité de modifier et redistribuer. Personne n’oblige à télécharger sa distribution. Lui a la possibilité (offerte par les logiciels libres) de créer sa distribution et nous avons le choix de ne pas télécharger et aimer sa distribution. Notre développeur solitaire lorsqu’il se lance ne sait pas où ça le mènera, intrinsèquement. Qui peut le savoir ? L’idée différente qu’il propose d’une distribution plait-elle ou non ? Comment le savoir sinon en diffusant sa distrib ?

Ce développeur solitaire est peut-être un nombriliste fini mais c’est probablement davantage un bidouilleur qui se confronte à la réalité du développement, de la maintenance, du fonctionnement d’un système Linux. Je peux personnellement déjà m’arrêter là, j’y trouve déjà du beau et du bien. Assurément pour la majorité, ce sera de l’inutile mais pour le développeur solitaire ce sera progresser dans sa compréhension, ce sera tester des choses, ce sera voir la réaction de la communauté par rapport à sa vision d’une distribution GNU/Linux. Ce n’est pas rien, c’est palpable, le développeur progresse et pourquoi ne pourrait-il pas un jour devenir développeur Debian ou Ubuntu ?

Des exemples démontrent qu’une seule personne a été suffisante pour proposer une vision différente et intéressante. Je rappelle que Linux Mint (première distribution au classement DistroWatch) a été créé par Clément Lefèbvre et porté par lui seul durant un moment. Plus près de nous Arpinux a lancé HandyLinux, je rappelle qu’il ne connaissait rien à GNU/Linux il y a encore quelques années. Voyager est proposé par rodofr, seul.

Comment devons-nous considérer ces personnes et ces parcours ? Je pense que des mots tels que réussite, talent, humilité reviendront dans les discours.

Le mot réussite me fait penser au mot échec, certains réussissent et d’autres (notre développeur solitaire) échouent à donner une vision différente de GNU/Linux. Mais tous ont essayé. Ils se sont confrontés à leurs niveaux, ils ont progressé. C’est mal selon vous ? C’est à encourager ou à condamner ?

Le talent car la chance n’explique pas tout, faire la différence avec les distributions déjà existantes c’est montrer une certaine cohérence, un recul, une vision différente mais pertinente puisque la distribution est plébiscitée. Le tri naturel qui se fait entre une mauvaise distribution et une bonne distribution n’est-elle pas une bonne chose ? Ce tri fait assurément ressortir les talents et grandir les équipes de développement des distributions qui sortent du lot. C’est le jeu de la méritocratie avec les distributions GNU/Linux, seules les plus pertinentes restent en vie.

L’humilité enfin, faut-il être humble ou arrogant et prétentieux pour donner sa propre vision d’une distrib Linux ? Pour moi il faut être humble, prêt à se remettre en cause, prêt à apprendre, prêt au probable échec, prêt à la critique. Mais on va demander un article à Arpinux pour répondre ;) hé, hé, hé.

Je passerai à côté de l’article si je ne contestais pas le principal argument et la principale critique contre la multiplicité des distributions : On perd en cohérence, en visibilité, en forces vives (=> notre développeur solitaire ferait mieux d’aider chez Debian ou Ubuntu !). Est-ce une perte de temps et d’énergie qui aurait pu être mieux utilisés ?

Pas sûr, car c’est la motivation qui permet de s’investir et là c’est une motivation de vouloir faire autrement. Ce n’est pas parce que notre développeur solitaire pond une distribution pourrie aujourd’hui qu’il ne contribuera plus jamais et mieux à une autre distribution. Doit-il s’empêcher de tester des choses ? Oblige-t-il au téléchargement de sa distribution ? Crache-t-il sa vision au visage de tous parce qu’il la remonte sur DistroWatch ou davantage car il cherche des retours, de l’aide, des critiques constructives ? Ne progresse-t-il pas ? Est-ce qu’il a nécessairement le niveau technique et/ou l’envie pour contribuer sur Debian ou Ubuntu ? Et qu’en est-t-il de son choix si il ne veut pas participer à un groupe de développeurs mais tester seul et rapidement dans son coin ?

Son choix on le nie, on l’étouffe sous l’impérieuse et écrasante nécessité d’être responsable et donc de contribuer efficacement (comprendre sur une vraie grosse distrib). Tout le monde ne veut pas contribuer mais juste tester, jouir des possibilités offertes par les licences libres. Est-ce une chance réelle d’avoir du choix ou une calamité ? Prônons-nous la différence ou l’unité ou la pensée unique ?

La différence s’appelle l’amour entre un bon et un mauvais fork : Il ne faut pas forker pour forker (sans réflexion et à l’excès), il ne faut pas que ce soit pour un problème d’ego, il faut qu’il serve à la communauté, il faut faire un suivi du fork.

Sinon vous connaissez la différence entre un bon et un mauvais chasseur ? ;)


Pour ceux qui désirent prolonger leur lecture : https://www.deblan.io/post/464/fork-le-serpent-qui-se-mord-la-queue

Je pense que le « problème » (je le mets entre guillemets car je ne trouve pas que ça en soit vraiment un) n’est pas le nombre de distributions ou le choix impressionnant donné aux utilisateurs de GNU/Linux ou même le fait de disperser ses forces au lieu de les rassembler. Je pense que c’est la définition même du mouvement du Libre et de GNU/Linux en particulier : le choix et la liberté.

Un utilisateur de Windows ou de Mac est assisté, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, ils ne sont pas plus stupides ou « moins » bons que des utilisateurs GNU/Linux. Ces OS proprios ont fait le choix de proposer des systèmes plus fermés donc je simplifie énormément mais plus facile à maintenir et à proposer une expérience utilisateur « unifié » et « cohérente ».

Le fait est juste qu’ils ont de base beaucoup moins de possibilités car l’environnement est fermé (même si il existe beaucoup de logiciels de personnalisation). La principale chose qu’amène le Libre, c’est le choix et de mettre l’utilisateur dans le rôle du « décideur » de sa distribution (utilisation/besoins/usages/personnalisation etc.).

C’est un autre état d’esprit, une autre manière de penser et de voir les choses, c’est l’esprit du Libre. Il faut appréhender la liberté qui est offerte quand on débarque, l’utilisateur doit faire des choix car c’est la philosophie même du Libre. Donc oui, c’est plus compliqué, ça demande plus de réflexion et de travail de la part du nouvel utilisateur. L’utilisateur est au centre du fonctionnement de GNU/Linux, ce qui n’est à mon avis pas le cas pour un O.S commercial comme Windows ou Mac. Ces O.S propriétaires ne sont pas en face d’utilisateurs mais de clients et même si ils les écoutent, ils font les choix à la place des clients. Oui, ils simplifient beaucoup les choses mais d’un autre côté ils réduisent drastiquement les possibilités offertes pour les utilisateurs.

Déjà 10 avis pertinents dans La différence s'appelle l'amour

  • arpinux
    bonjour :)
    cités dans un article « la différence s’appelle l’amour » … merci infiniment :)
    c’est drôle la vie parfois car tu postes aujourd’hui, mais je ne pourrais te répondre que le 1er janvier, et doublement : sur le blog d’HandyLinux et sur le mien plus longuement. oui, je fais limite du spam là, je sais …. mais c’est vraiment drôle la vie parfois :D
  • dyp
    bonjour cascador et bonne année à toi.
    très bon article et d’une immense actualité concernant une distribution que tu cites dans l’article. très bel article aussi. le titre parle bien et l’article très bien. je consulte le à propos et la photo me conforte dans mon idée sur la personne. une bonne personne. merci pour tes mots qui guérissent mes maux (j’ai pas pu m’empêcher). arpinux n’y connaissait rien et c’est moi qui ai eu l’idée de lui mettre une Ubuntu (comme quoi ça peut faire des choses bien une Ubuntu) dans les pattes. je m’en félicite tous les jours (chacun sa gloire ;)). les idées sont multiples et au final seules celles qui servent à un grand nombre sont pérennes.
  • Le noeud du problème est résumé ici :

    La différence s’appelle l’amour entre un bon et un mauvais fork : Il ne faut pas forker pour forker (sans réflexion et à l’excès), il ne faut pas que ce soit pour un problème d’ego, il faut qu’il serve à la communauté, il faut faire un suivi du fork.

    Quand on admettra que le problème n’est pas le fork mais son utilisation abusive, on aura fait un énorme pas en avant.

  • Non, pour moi ce n’est pas qu’elle soit abusive (laquelle l’est ou ne l’est pas ? Et d’ailleurs, pleins de fork ne sont pas diffusés partout mais pour un usage restreint).
    Le problème est si le fork est pour montrer comme on fait mieux que les autres ou pour tenter de faire mieux pour les autres (d’où le titre).
  • Tu te places encore du côté des technophiles, c’est compréhensible, mais cela concerne une minorité des utilisateurs du libre. Du moins, si on veut que le libre se développe pour de bon.

    Une personne technophobe qui veut juste que son ordinateur fonctionne verra 15 trillions de dérivées et se dira : mais c’est quoi cette merde ?

    Tu veux un exemple d’abus, même la caricature du fork abusif ? http://speedracke6.wix.com/jessere-spin

    Alors, abus ou pas abus ? :D

  • c138
    euh… et donc ce serait quoi l’abus?
    le gars s’amuse a customiser… c’est facile et fun…
    Et ce n’est pas un fork… so what?
  • dyp
    punaise je suis la vierge, elle me tourne le dos chez moi et c’est pas le truc le plus intelligent qu’elle est fait car elle ne l’est plus depuis.
    on est des êtres humains et y a eu alchimie avec le manchot… histoire de chance, d’amour, de coïncidences bien faites.

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