Assassin’s creed ou comment massacrer une série en 6 épisodes

Je pense que tout le monde a connu au moins une œuvre de fiction qui semblait tellement prometteuse mais qui, à s’éterniser et s’égarer en sous-intrigues, perd complètement le contrôle de sa narration et se termine dans un flop qui laisse l’impression d’avoir perdu son temps. C’est ainsi que beaucoup décrivaient déjà l’histoire de la série X-files. Plus récemment, la série Lost avait également connu ce genre de déboires, tout comme la série de jeu Mass Effect dont la fin m’a laissé une impression de « tout ça pour ça…? »

Assassin’s creed, c’est un peu la même chose.

Ubisoft démontre brillamment avec cette série comment l’appât du gain peut tuer une œuvre d’art. Savoir raconter une bonne histoire, c’est avant tout savoir s’arrêter à temps. Assassin’s creed aurait dû rester une trilogie et se conclure avec Assassin’s creed III. Étrangement, c’est un schéma que l’on retrouve dans beaucoup de séries télévisées. Souvent, ces séries sont financées sur la base d’un pilote qui dresse le squelette de la série. Lors des deux ou trois premières saisons, presque tous les épisodes sont calqués sur ce squelette. Lorsque la série commence à montrer les premiers signes de faiblesse, c’est là que les scénaristes se décident à écrire une histoire qui dure au-delà d’un seul épisode avec une trame narrative plus complexe, généralement à base de grand méchant qui tire les ficelles depuis le début.

La série Smallville est, à mes yeux, l’une des plus représentatives de cette structure. Les deux premières saisons ne sont presque qu’une succession d’épisodes entièrement indépendants qui suivent le schéma suivant : gentil personnage un peu brimé ou bébête entre en contact avec kryptonite verte. Gentil personnage devient grand vilain, casse tout sur son passage. Clark Kent se décide à arrêter grand vilain parce qu’il se sent coupable et aussi un peu parce qu’il est le seul à pouvoir le faire. Grand vilain meurt ou perd ses pouvoirs. Fin. Ce n’est qu’à partir de la troisième saison que la série se décide à faire apparaître Lex Luthor comme le méchant ultime et dresse une histoire plus étoffée. Si une série réussit à conclure son histoire à temps, elle reste généralement dans les mémoires comme une bonne série (mais sans plus). Lorsqu’elle ne sait pas s’arrêter à temps, ça donne un fail comme X-files.

Mais les meilleures séries, celles qui restent comme des monuments, ce sont celles qui ne s’écrivent pas au fur et à mesure. Ce sont celles qui ont un plan à l’avance. Et The Wire fait figure d’exemple.

La série avait été écrite dès le départ pour comporter 5 saisons. Chaque saison discutant d’un aspect précis de la ville de Baltimore. Le première saison aborde la lutte de la police contre le trafic de drogue. La deuxième prend place dans le port au milieu de la contrebande et des luttes entre syndicats. La troisième se concentre sur les luttes de pouvoir entre les personnalités politiques locales. La quatrième expose les déboires du système éducatif. La cinquième a pour sujet les médias de la ville.

Cependant, il est normal qu’une société productrice ou éditrice d’une œuvre d’art désire ne pas en cesser l’exploitation lorsque celle-ci fonctionne bien. La société n’est pas l’artiste. Elle ne se préoccupe pas de ce qui est bon pour l’œuvre. La société n’a pour unique objectif que de faire de l’argent. Et elle est parfaitement dans son rôle lorsqu’elle souhaite prolonger l’exploitation d’une œuvre lucrative. Mais cela pose quand-même la question de la relation entre l’art et l’argent et de la définition d’une bonne œuvre.

C’est une question que je me suis posé pendant des années. Et bien que je n’ai toujours pas trouvé de réponse satisfaisante, j’ai tout de même quelques réflexions que j’aimerais exposer ici. Je ne pense pas qu’il soit vraiment possible de définir une bonne œuvre. C’est une question philosophique discutée depuis un bout de temps déjà et la perception de ce qui est beau, de ce qui est bon, constitue même un domaine à part entière de la philosophie : l’esthétique. En revanche, je pense qu’il est possible de dresser un critère qui permet de définir une mauvaise œuvre : son rapport à l’argent.

Voyez-vous, je fais partie des gens qui pensent que l’art doit avant tout exprimer quelque chose, peu importe quoi. L’artiste produit l’œuvre parce qu’il en ressent le besoin. De fait, à partir du moment où quelqu’un produit une œuvre pour qu’elle se vende, elle perd sa nature d’œuvre. Si elle se vend bien, ça peut en faire un très bon produit commercial. Mais si elle a été produite pour qu’elle se vende, ça en fait immédiatement une mauvaise œuvre. Ce que produit David Guetta, par exemple, est un très bon produit commercial, mais une très mauvaise œuvre.

Cette approche de l’art désamorce d’emblée toutes les critiques portées à l’encontre du partage non-marchand et les arguments sur la nécessité de rémunérer l’artiste. Car si l’artiste créé, c’est primairement parce qu’il en a le besoin. Qu’il soit rémunéré ou pas n’a, du coup, aucun impact sur la création : l’art existe parce qu’il est nécessaire, il ne doit pas être subordonné à la rémunération et ne peut pas, quoiqu’il advienne, disparaître. L’art est une propriété intrinsèquement liée à notre nature d’être vivant communiquant[1].

Si l’on en revient à Assassin’s creed, la série ne produit que des mauvaises œuvres depuis Assassin’s creed III car celles-ci sont perverties par l’argent. Je ne sais pas définir si les épisodes qui l’ont précédé sont de bonnes œuvres, mais je peux affirmer qu’aujourd’hui, tout ceci reste à mes yeux l’un des plus grand gâchis qu’il m’ait été donné de voir…

Notes de bas de page :
  1. Oui, les animaux aussi font de l’art. Par exemple certains animaux bâtissent des structures au cours de la parade nuptiale et ces structures n’ont aucune autre utilité que d’exprimer des sentiments

Déjà 3 avis pertinents dans Assassin’s creed ou comment massacrer une série en 6 épisodes

  • Très bel article ! Et quand j’y pense, ça me rappelle la série Lost, j’ai vraiment aimé cette série mais je m’attendais à une fin bien censé et bien sûr je me suis aussi posé la fameuse question « tout ça pour ça ?? « 
  • Tu ne parles pas des suivants, entre-temps la PS4 est sortie, Rogue est nul (joué 10 minutes sur PS3).
    Unity se passe en France, wahou, mais bon, peu intéressant et le système de méta avec les failles est chiant.
    Syndicate est beau, c’est ce qui m’a marqué, pas vraiment répétitif (enfin pas trop).
    Ceci conclut Assasin’s Creed,
    Ubisoft a arrêté de faire du multi avec la PS4, dommage pour moi.
    En 2018, si tu joues sur PS3, tu as encore du monde en multi (sauf sur ACB), c’est un signe je trouve.
    Du coup, Ubi a senti le déclin aussi, donc il a fallu attendre 2 ans pour Origins, qui renouvelle le genre, malheureusement en mettant plus de « RPG », mais c’est beau, long, pas répétitif.
    Et solo seulement…

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