Les internautes ne savent pas lire parce qu’ils ne savent pas écrire

Benjamin Bayart a dit : « L’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire ». On minimise la portée immense qu’aurait pu avoir cette potentialité d’écrire, de publier. Internet est finalement un grand gâchis : Fake news, trolls, fachosphère, blogs/sites/vidéos monétisés, articles sponsorisés…

Nous avons été collectivement incapables de nous mettre à écrire. Une majorité de personnes est restée dans une attitude passive se contentant d’être spectateur puis juge (« retweet » de Twitter, « J’aime » de Facebook, « Partager cet article ») et parfois bourreau (Someone is wrong on the internet).

Il y a un mécanisme très simple mais très puissant en arrière-plan. Celui qui publie, c’est celui qui fait. Il renvoie malgré lui le lecteur à sa propre médiocrité, le lecteur ne fait rien. Il consomme… quelquefois il se mettra à jalouser celui qui fait, le critiquer, le mépriser ou au contraire il en fera une idole. Pourtant celui qui fait, c’est votre voisin, votre collègue de bureau, cette copine. Des gens normaux qui pètent pas 3 pattes à un canard.

L’idée n’est pas de dire que les lecteurs sont médiocres, nous sommes tous lecteurs/consommateurs avant de commencer à créer/publier/faire. Je lis évidemment bien plus que j’écris pour ma part. Cependant le lecteur passif peut faire bien mieux, participer au débat, apporter des arguments, constuire des réflexions et des projets, utiliser sa liberté d’expression.

Tout le monde n’a pas de talent pour écrire, tourner une vidéo, dire des choses intéressantes mais cet espace d’expression (Internet) laissé vide s’est finalement rempli avec le temps de ce que l’humanité pouvait faire de pire : Bêtise, racisme, sexisme, fake news, monétisation à outrance.

Imaginer un autre monde où les gens se seraient mis à publier. Publier n’a rien à avoir avec lire. L’action de lire c’est l’intimité totale, on lit « dans sa tête ». L’action de publier est tournée vers l’extérieur, vers l’autre. Il sort quelque chose de nous, on laisse une marque. On prend notre place dans l’espace commun, on apprend à vivre avec les autres. On occupe cet espace, on s’y attache, on le défend.

Les internautes ne savent pas lire parce qu’ils ne savent pas écrire. Si toi lecteur tu écrivais :

  • Tu saurais la difficulté à écrire, à publier au regard du monde, à être jugé, à devoir argumenter, défendre tes arguments, apporter un contenu digne d’intérêt, recevoir et accepter les opinions contraires
  • Tu apprendrais à écouter, partager, respecter l’opinion de ton prochain, débattre, lire sur le web
  • Tu comprendrais qu’un blogueur n’est pas nécessairement dans une posture égocentrée, d’auto-promotion, de pub ou encore de « parole publique » mais parfois juste de liberté d’expression

C’est tout ce que tu as laissé derrière toi lecteur mais qui peut encore être devant toi. Utilise ta liberté d’expression, viens confronter tes mots et tes idées, empare toi de cet espace commun qu’est Internet et occupe-le !

Internet est bientôt mort parce qu’il n’a jamais vraiment vécu. Les idéaux de liberté du début n’ont jamais fait place à une liberté réellement utilisée, revendiquée, défendue par la majorité des internautes.

Déjà 10 avis pertinents dans Les internautes ne savent pas lire parce qu’ils ne savent pas écrire

  • Avis intéressant, mais je soupçonne qu’il y a eu un autre effet pervers: celui de la course à l’audience – à mettre sans doute en parallèle avec la monétisation du web. Je pense qu’un certain nombre d’utilisateurs qui, autrefois, écrivaient et publiaient, ont laissé tombé par lassitude, et certains l’ont fait savoir avec suffisamment de véhémence pour que d’autres se disent « à quoi bon? »

    Je me souviens des promesses du « Web 2.0 » qui, entre autres, mettait en avant le contenu généré par les utilisateurs. Aujourd’hui, ce contenu a été récupéré et monétisé par d’autres, alimente des algorithmes de profilage à notre insu et, de façon générale, renvoie à la formule « tout ce que vous direz pourra être (ou sera) retenu contre vous ».

    Cela dit, vu que ce genre de choses se fera de toute façon, avec ou sans nous, autant dire ce que l’on a à diore – tant qu’on le peut encore.

    (Au passage, j’avais tapé cette réponse juste avant que le blog ne plante; si ça se trouve, c’est ma faute si ça a crashé. ;)

  • MoiJe
    À quoi bon écrire un poste comme celui-là si tu ne développes ni n’étayes tes arguments sur du sourcé, du concret, sur des lectures …
    Ne suffit pas de chier sur les autres pour s’élever plus haut qu’eux.
  • finalement je t’en fais un différent (je te disais que mon billet de lundi répondait un peu à ton questionnement)

    Aujourd’hui, l’internaute publie dans des plateformes privatives (Twitter, Facebook) et il expérimente à minima : « la difficulté à écrire, à publier au regard du monde, à être jugé, recevoir et accepter les opinions contraires »…pour l’argumentation par contre, c’est pas gagné…
    Idem pour apprendre » à écouter, partager, respecter l’opinion de ton prochain, débattre » puisqu’on cherche le bon mot, la provocation, le clash
    Et donc, à contrario de quelques blogueurs, un internaute d’aujourd’hui a cette tendance à « une posture égocentrée, d’auto-promotion, de pub », oubliant justement que la liberté d’expression, ce n’est pas mettre des vidéos de petits chats ou filmer des cadavres dans une forêt en se marrant.

  • AMaX
    De toute façon, ceux qui lisent ne font qu’arrondir leur savoir, et les concernés ne liront jamais cet article. Nous sommes de cons cernés, et la télé les ayant normalisés pour mieux vendre, ils sont désormais bien trop nombreux pour pouvoir luter. Effet SnowBall. Les nouvelles générations, en plus d’être aussi ignorantes que leurs procréateurs, sont devenues égocentriques, narcissiques et vénales. Je dépense, donc je suis.

    Je rejoins le commentaire de SGallay, j’ai supprimé bon nombre des blogs que je lisais quotidiennement, ne supportant plus la monétisation du savoir. Sous prétexte d’amortir les frais de gestion, l’information se perd dans les produits. Derrière, ils se payent de beaux voyages à travers le monde, et au retour, ils n’ont aucun scrupule à te faire un joli billet sur leurs aventures, sans même te remercier.

    Bien que la misanthropie me guette, je reste confiant dans l’humanité. Mais son apogée n’est pas pour demain, et surtout, elle ne sera pas sur terre.

  • K
    Je suis désolé AMaX mais je suis en contradiction avec ce commentaire. Venant moi-même de la télévision (simple spectateur) et ayant fini, petit à petit, par arpenter les forums, et maintenant les blogs, je me suis ouvert à la lecture puis maintenant à l’écriture (puisque je réagis la plupart du temps sur les blogs). Les concernés peuvent arriver ici par un heureux hasard, par un concours de circonstances, ou par une main bénévole.

    Je ne remet pas en question le reste du commentaire puisque je ne suis pas spécialement en désaccord, même si je ne soutient pas l’idée de fond (je suis encore en phase de réflexion à ce sujet).

    Bien à tous

  • K
    J’ai oublié, dans mon précédent commentaire, d’ajouter ceci :

    Il n’est pas tout de lire et d’écrire, il est primordial de penser. Et c’est un point qui semble souvent oublier, puisque l’université est devenue un lieu où chacun est trop occupé à lire et à publier pour débattre.

  • AMaX
    Tu n’es donc pas concerné puisque, changer le monde commence par se changer soit même, et c’est ce que tu fais et faisais déjà avant de lire ce billet. Évidement qu’il faut penser et réfléchir avant d’agir ou d’écrire, mais il faut également et surtout s’informer avant. L’intelligence c’est une chose, mais sans culture, on brasse du vide… Je ne suis pas certain que tu sois totalement en contradiction avec mes propos. Ils sont à prendre à la légère, un peu extrêmes et quelques fois violents.
  • Je te rejoins. Nous sommes peu à écrire, à produire, alors que l’accès aux outils de création et de production de contenus s’est considérablement démocratisé. Je te réitère tous mes vœux pour 2018, à toi et à tous tes lecteurs.
  • Bon, dans le genre cliché facile, allons-y :
    Si l’internaute ne sait pas lire parce qu’il ne sait pas écrire… ?
    Alors ajoutons qu’il ne sait pas écrire parce qu’il ne sait pas penser ?

    Et voilà, pas bien compliqué hein ;-)

    +1 pour MoiJe

  • Pierre
    Dès qu’un truc devient commercial, c’est foutu.
    Ceci dit, il y a et il restera toujours des espaces créés par des passionnés pour passionnés.
    Pour ma part, je n’écris pas. Je ne suis pas doué pour cela et ça ne m’intéresse assez peu d’étaler mes pensées sur la place publique et que des inconnus y réagissent éventuellement. Je n’ai pas de temps pour cela par contre je créé au sein d’une communauté et pour moi internet est est reste malgré tout ce qui le pollue un outil formidable qui me permet de partager gratuitement avec qui le souhaite.

    PS: Les smartphones, tablettes, et autre écran connectés contribuent aussi énormément à la passivité des internautes.

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