Le fascisme capitaliste

Il y a deux mois, j’écrivais Le très commode jeu du Front National dans lequel je comparais le fascisme xénophobe de Le Pen au fascisme capitaliste de Macron. Grave erreur j’avais faite là ! Visiblement, la technique du chiffon rouge façon « tout sauf le Front National » semble fonctionner à plein. Et, sur diaspora*, j’ai reçu des commentaires réprobateurs de gens affirmant que Macron, oui, c’était une catastrophe économique mais que, dans son discours, au moins, il n’y avait pas la moindre trace de haine de l’autre.

Darwin au pays des libéraux

Et puis vient un discours, il y a quelques jours, prononcé devant un parterre de chefs d’entreprises et de « startupeurs » — dans un évènement financé par le magna des télécoms et des médias Xavier Niel — et sa petite phrase polémique :

Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. Parce que c’est un lieu où on passe. Parce que c’est un lieu qu’on partage

Oh, oh, oh ! Du pain béni pour moi, voyez-vous ?

On le savait déjà, Emmanuel Macron aime les personnes « qui réussissent ». Tout son discours est à la gloire des « entrepreneurs ». Il souhaite voir des jeunes qui aient « envie de devenir milliardaires ». Comprenez : devenir riche est la seule forme de réussite sociale qui vaille dans son esprit. Il est donc tout à fait logique de diviser la population en deux catégories : ceux qui « réussissent » et ceux qui ne sont rien. Quoi, vous ne saisissez pas encore ce que cela a de fasciste ? Je vais vous aider : il y a peu de temps, notre président-soleil avait déclaré :

Si j’étais chômeur, je n’attendrais pas tout de l’autre

Ah ! Pour sûr, Emmanuel Macron n’aime pas la solidarité (ce que lui appelle de l’« assistanat »). Il défend la valeur-travail (bien qu’il ne comprenne absolument pas ce terme…), il défend le mérite, il défend l’effort. Voilà l’idéologie de Macron dans toute radicalité : la lutte de tous contre tous, le combat permanent pour la « réussite ».

Comment ne pas y voir une forme de darwinisme social ?

Le darwinisme social, ou spencérisme, est une doctrine politique évolutionniste apparue au XIXe siècle qui postule que la lutte pour la vie entre les hommes est l’état naturel des relations sociales. Selon cette idéologie, ces conflits sont aussi la source fondamentale du progrès et de l’amélioration de l’être humain. Son action politique préconise de supprimer les institutions et comportements qui font obstacle à l’expression de la lutte pour l’existence et à la sélection naturelle qui aboutissent à l’élimination des moins aptes et à la survie des plus aptes.

Wikipédia

La lutte de tous contre tous visant à l’élimination des éléments les plus faibles de la société, n’y a-t-il pas là les germes idéologiques d’une société fasciste ?

L’appropriation mafieuse du surtravail

Selon Macron, donc, la société se divise en deux catégories : ceux qui deviennent milliardaires et ceux qui ne sont rien.

Sauf que Karl Marx (oui, encore lui, il fait vraiment chier, ce schleuh) a montré une chose dans Le Capital : il n’y a que le travail qui crée de la valeur. Et il existe deux moyens pour s’approprier la valeur de ce travail :

  1. la produire,
  2. la voler.

C’est de cette seconde manière que procèdent les grands propriétaires d’entreprises (ceux qui deviennent milliardaires)[1]. Karl Marx montre comment ils procèdent au chapitre X du livre I du Capital : l’appropriation du surtravail. En d’autres termes : dans une journée de travail de 8 heures, un salarié travaille 6 heures pour son salaire et 2 heures pour les bénéfices de l’entreprise.

Et cela ne poserait pas de problème en soi, si ce surtravail se faisait au bénéfice seul de l’entreprise[2] et ne servait pas, à la place à engraisser des rentiers. Car comment peut-on décemment affirmer que l’on est devenu milliardaire par son seul travail ? Combien d’éboueurs ou d’auxiliaires de puériculture milliardaires connaissez-vous ? Épluchez le top 100 des plus grandes fortunes de France du magazine Challenges. Que voyez-vous dans cette liste ? Uniquement des propriétaires d’entreprise. Il n’existe littéralement aucun autre moyen de s’enrichir à milliards que de posséder une entreprise. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a que dans une telle structure que le travail des employés peut faire l’objet d’une telle appropriation.

Vous savez à quoi ça me fait penser ? Le racket des commerçants par la Mafia napolitaine et sicilienne dans les années 30. On a dans l’enrichissement indécent des grandes fortunes françaises une appropriation littéralement mafieuse de la valeur produite par le surtravail des employés. C’est en ça que le rapport de force leur est favorable et que l’idéologie fasciste de Macron les sert. La lutte de tous contre tous est plus facile lorsque l’on possède les moyens de productions et que les autres n’ont pas d’autre choix que de se soumettre aux conditions du Capital pour assurer leur propre survie.

Car voyez-vous, en fait, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont le pistolet du chantage à l’emploi chargé, et ceux qui triment. Toi, tu trimes.

Notes de bas de page :
  1. Attention, je ne parle pas de petits chefs d’entreprise, ceux qui fournissent aussi du travail dans l’entreprise et qui constituent 95 % des chefs d’entreprise parce que 95 % des entreprises comptent moins de dix salariés et ne permettent pas à leurs propriétaires de devenir milliardaires. Je parle des capitalistes. Ceux qui ne font rien d’autre que de vivre de la rente de leur propriété.
  2. Ce qui, encore une fois, constitue le cas de 95 % des entreprises.

Déjà un avis pertinent dans Le fascisme capitaliste :

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