Je suis hyperactif

On entend tout et n’importe quoi sur l’hyperactivité — surtout n’importe quoi. Mais avant d’être un qualificatif populaire pour désigner des enfants turbulents et/ou mal élevés, l’hyperactivité est avant tout un symptôme du Trouble du Déficit Attentionnel avec ou sans Hyperactivité — noté le plus souvent TDA/H. Vous remarquerez que le titre précise bien avec ou sans hyperactivité ; et cette notion est importante, car un hyperactif présente toujours un TDA mais un TDA n’est pas obligatoirement hyperactif.

La distinction est importante car dans l’imaginaire collectif, hyperactif est devenu un synonyme de TDA. Il est donc souvent plus aisé pour moi, lorsque que je parle de ce trouble de me désigner comme hyperactif même s’il n’est pas toujours évident pour tout le monde que je le sois. En fait, les choses sont même un poil plus compliquées puisque le diagnostic du trouble fait intervenir la présence ou non chez le patient de signes d’hyperactivité qui vont soit amener à qualifier le patient de TDA sans hyperactivité soit avec hyperactivité. On peut donc tout a fait présenter des signes d’hyperactivité sans l’être vraiment.

Qu’est-ce que le TDA/H ?

Tout d’abord il est nécessaire de comprendre que le TDA/H est un trouble et non une maladie. La notion de trouble est presque elle-même impropre car il ne s’agit pas à proprement parler d’un dysfonctionnement du cerveau mais plutôt d’un fonctionnement alternatif. Une personne présentant un TDA/H n’est pas plus ou moins intelligente que la moyenne et n’a pas plus ou moins de capacités d’apprentissage de la moyenne. En revanche, elle apprend et comprend en général de manière différente de la plupart des autres personnes ce qui amène les enfant atteints à être facilement stigmatisés par leur camarades et parfois, leurs professeurs — même si les temps ont beaucoup changé depuis ma scolarité — qui ne les comprennent pas et sont prompts à les qualifier de « tête-en-l’air », « turbulents » voire parfois, « fainéants » (true story !)

Les origines du troubles sont incertaines. Des études scientifiques ont pu déterminer l’implication de certains transmetteurs chimiques dans son apparition. Il semble relativement certain aujourd’hui que la cause principale soit une carence en dopamine dans le lobe frontal. C’est sur cette carence qu’agissent principalement les traitements médicamenteux aujourd’hui prescrits (méthylphénidate). Les raisons de cette carence sont cependant assez discutées. Plusieurs produits de la consommation courante pourraient, par exemple, en favoriser l’apparition.

Parmi ces hypothèses, il y en a une que j’aime beaucoup parce que je la trouve assez belle : l’hypothèse évolutive. En effet, il semblerait que le mode de fonctionnement des TDA/H soit particulièrement bien adapté au mode de vie nomade qui demande peu de maintenir une attention soutenue pendant des longues périodes. Il aurait disparu peu à peu avec la sédentarisation chez dans la plupart de la population mais aurait persisté par hérédité chez certains éléments.

Quelles sont les conséquences ?

Les conséquences du TDA/H commencent à être, elles, relativement bien connues. Parmi les plus évidentes, il y a l’inattention. Mais il faut bien comprendre ce qui se cache derrière ce terme. Cela ne veut pas simplement dire que l’enfant est incapable de réfléchir ou de s’atteler à une tâche pendant plus de 5 minutes. De fait, constater qu’un enfant est capable de rester des heures devant un jeu-vidéo ne suffit pas à exclure de facto une inattention. Un enfant inattentif est un enfant incapable de maintenir une attention soutenue durant une trop longue période. Or, quiconque connaît suffisamment les jeux-vidéo sait leur principale force est d’alterner les phases exigeantes demandant une attention soutenue et les phases reposantes lors desquelles le joueur n’est pas trop sollicité. Cette caractéristique en fait, en réalité, le meilleur support d’apprentissage pour hyperactifs.

La seconde conséquence, la plus connue et la plus facilement observable, c’est bien sûr, l’hyperactivité et l’impulsivité. C’est le symptôme qui fait le plus facilement qualifier une personne d’hyperactive (au sens TDA/H). Cependant, l’hyperactivité n’est pas le symptôme le plus répandu chez les TDA/H. Il arrive même que des personnes réellement diagnostiquées comme TDA avec hyperactivité présentent le symptôme inverse : l’hypoactivité. Ça peut paraître étrange mais s’explique par le fait que l’on parle, dans le cadre du TDA/H, d’une hyperactivité cérébrale qui peut se traduire par une hyperactivité physique ou, au contraire, par une profonde et quasi-constante fatigue — c’était mon cas.

D’autres effets du TDA/H sont beaucoup moins connus et beaucoup plus sympathiques. On peut noter, par exemple, une certaine facilité à l’apprentissage (avec une pédagogie adaptée), une curiosité et, pour certains sujets, une observation très développées.

Grandir avec un TDA/H

La vie n’est jamais facile pour un enfant atteint de TDA/H, surtout pour les filles, chez qui l’hyperactivité et la turbulence sont beaucoup moins acceptées socialement que chez les garçons.

Les choses ont, heureusement beaucoup changé depuis l’époque où mon frère et moi étions à l’école (1990-2000) mais la TDA/H reste un trouble encore mal compris et controversé. Et il n’est encore pas rare aujourd’hui d’entendre d’un enfant hyperactif « qu’il a juste besoin de quelques coups de pied au cul ». L’école est d’autant plus difficile à vivre pour un hyperactif que la pédagogie y est particulièrement mal adaptée. L’école moderne requiert de rester des heures entières assis dans une salle de classe à écouter des profs le plus souvent ennuyeux.

Peu de profs acceptent la difficulté d’un TDA/H à rester calme. Il faut pourtant comprendre que la gêne ressentie par un TDA/H qui s’ennuie est purement physique et psychologiquement douloureuse. Il est également nécessaire de comprendre que la volonté n’a aucune incidence sur ses capacités d’apprentissage et de concentration.

De fait, ces enfants supportent la période scolaire beaucoup plus mal que d’ordinaire. Ils arrêtent d’ailleurs leurs études en moyenne deux à trois ans avant leurs camarades et le taux de TDA/H poursuivant un cursus d’études supérieures est assez faible. Sans traitement, le trouble deviendra un véritable calvaire pour l’enfant d’autant plus que la société fera pression sur lui pour qu’il se conforme.

Avec l’âge, un enfants atteint de TDA/H finit par trouver des solutions de contournement, ce qui donne souvent l’impression que le trouble disparaît à l’âge adulte, ce qui est faux pour la plupart du temps. Pour ceux qui s’en sortent bien, ces solutions sont bénignes. Ça passera par trouver un métier qui permet de beaucoup bouger, par exemple, comme commercial. Mais pour les autres, cela passera souvent par la consommation de substances psychoactives comme l’alcool ou le cannabis.

J’ai moi-même fumé pendant un an lorsque j’ai commencé mes études supérieures il y a quelques années.

Un enfant vivra d’autant plus mal sa période scolaire que les dernières études ont montré que le TDA/H pouvait s’accompagner de symptômes co-morbides au TSA (Trouble du Spectre Autistique). Provoquant des difficultés de socialisation.

Le traitement et ses controverses

La solution la plus courante est le traitement médicamenteux. Je suis moi-même sous méthylphénidate depuis 3 ans et ça m’a sauvé la vie. Ce traitement fait l’objet de beaucoup de controverses — souvent débiles — que je vais commencer par démonter.

Ce qu’on entend souvent à propos du TDA/H est qu’il s’agirait d’une « mode » ou d’une « maladie inventée pour vendre du médicament ».  Par corollaire, il est souvent affirmé — par les médias, principalement — que le médicament est utilisé pour « assagir » les enfants ou « augmenter leur performances scolaire » pour « nourrir les fantasmes de réussites scolaire des parents ». Autant le dire tout de suite : ce n’est pas ce que fait le méthylphénidate. Pas du tout.

Le méthylphénidate n’est pas une substance magique qui calme ou rend plus intelligent. Le QI du gamin ne va pas magiquement augmenter après ingestion. S’il se trouve que des enfants hyperactifs réussissent mieux à l’école avec un traitement, c’est simplement parce qu’ils sont plus à même de suivre les cours. Mais ça ne fait pas de miracle et si le prof est une buse pour expliquer, l’enfant ne comprendra pas par l’opération du Saint-Esprit. Le méthylphénidate se contente de permettre à l’enfant de mobiliser plus efficacement ses capacités cérébrales. Sur un enfant normal, ça n’a que peu voire pas d’effet.

De même, le méthylphénidate ne calme pas un enfant. Il se contente d’apaiser des symptômes provoqués par le trouble. Donné à un enfant qui ne présente pas de TDA/H, le méthylphénidate aura justement le plus souvent l’effet inverse et agira comme un excitant.

En ce qui concerne l’effet de mode, l’argument le plus souvent annoncé est un viol à la plus basique rigueur statistique : la coïncidence n’implique pas la corrélation. Le fait que de plus en plus d’enfants soient diagnostiqués TDA/H ces dernières années n’implique pas forcément un effet de mode. Dire ça, c’est juste cracher à la tronche des médecins spécialistes qui font 10 ans d’études de médecine pour exercer leur métier. Le fait qu’il y ai plus de diagnostics signifie plus probablement que les méthodes de diagnostic ont évolué et que la formation au dépistage est meilleure, permettant de repérer plus facilement un enfant hyperactif.

Cependant, il faut quand-même reconnaître que faire traiter un enfant au méthylphénidate — qui est un dérivé amphétaminique — n’est pas anodin. Ce médicament, s’il ne provoque pas d’addiction, peut quand-même provoquer des effets secondaires perturbants — comme des crises d’angoisses.

Je ne m’avancerai pas trop sur ce sujet. J’étais moi-même majeur et vacciné lorsque j’ai fait le choix de commencer le traitement. Mes parents n’ont donc jamais été dans la position de prendre cette décision pour moi.

Bien évidemment, le mieux serait que l’École française change radicalement pour adopter une pédagogie beaucoup plus souple et un planning scolaire beaucoup plus adapté, mais bon… Autant demander la lune…

Déjà 3 avis pertinents dans Je suis hyperactif

  • j’ai bien aimé vôtre analyse, j’ai 3 enfants hyperactifs qui sont grands maintenant, la dernière est encore suivi au CHR et est encore sous Ritaline. Le médicament est très utile quand il y a du monde et qu’il faut se concentrer. Il y a aussi des méthodes à ajouter, au niveaux de l’alimentation, éviter absolument les colorants rouges et jaunes, et d’autres choses assez efficaces (on voit la différence), mais surtout l’enseignement, j’ai dû les déscolariser tous les 3. Ensuite je me suis beaucoup formé, en sensitif et moteur, en hypnose, en énergétique, et en méthodes d’enseignement (donc les différents modes d’apprentissage selon les sens principaux…). Le résultat est impressionnant, les 3 enfants etaient prévus à suivre leur scolarité en centres spécialisés et le résultat de toutes mes recherches et mis en pratique (et la recette miracle beaucoup d’amour et d’admiration): les 3 ont réussi dans la vie (un médecin, un compagnon charpentier, et une collectionneuse de diplômes).
    bravo à vous d’avoir fait le pas de vous analyser.

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