Mon nouvel an chez les bouddhistes

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Cet année, j’ai passé un nouvel an très particulier. J’ai pu participer à la retraite spirituelle d’un groupe de bouddhistes. Je vous rassure, je n’ai pas été au Népal ou au Japon. Non, je suis resté en France.

On appelle ce genre de retraites spirituelles, des shesshin. C’est l’occasion pour les moines bouddhistes ou juste de simples pratiquants de zazen de se retrouver et pratiquer la méditation intensivement. Pour moi, c’est arrivé un peu par hasard, au détour d’une conversation diaspora* avec mon poto FF Shukke. Il a évoqué ses 20 ans de pratique du zen bouddhiste, je lui ai répondu que j’aimerai bien essayer un jour, pour voir ce que ça fait et à quoi ça ressemble ; il ne lui en pas fallu plus pour qu’il m’invite à sa sesshin d’hiver. Il ne m’a pas pris au sérieux, il a été très surpris ! :D

Le zen

On raconte un peu tout et n’importe quoi sur le zen. En particulier dans les magazines féminins et sur les emballages des produits de beauté. Mais avant d’être un argument marketing, le zen est surtout une pratique spirituelle plus de deux fois millénaire qui a parcouru l’intégralité du continent eurasien. Le zen est une branche du bouddhisme qui insiste sur la pratique de la méditation assisse appelée zazen. Cette branche du bouddhisme est orginaire de Chine et s’est importée au Japon avant d’atteindre l’Europe dans les années 50. Je ne disserterai pas sur les éléments religieux du zen. En ce qui me concerne, je préfère la voir comme une pratique spirituelle voire philosophique plus que religieuse au sens où il n’y a pas dans le bouddhisme de figure divine hormis soi-même comme être conscient.

L’élément central du zen est donc le zazen. Méditation qui se pratique en tailleur, le dos maintenu bien droit, les mains jointes en cercles, les doigts se superposant et les pouces se touchant. Il existe globalement deux écoles de zen : Sōtō et Rinzaï. Il n’y a pas de différence fondamentale entre les deux hormis que l’école Rinzaï pratique la méditation en réfléchissant à des kōan (des sortes d’énigmes sur la vie) et que l’école Sōtō insiste sur la nécessité de ne pas contrôler le flux de ses pensées lors de la méditation. C’est ce type de zen que j’ai pu pratiquer lors de ma sesshin.

La pratique de zazen dérive directement de la pratique qu’aurait adopté, selon les textes, le premier bouddha, Siddhartha Gautama, et qui lui aurait permis de « s’éveiller » à l’âge de 35 ans. Ce premier bouddha fait souvent office, dans l’imaginaire collectif, de divinité mais il s’agit plus en zen d’une forme de guide vers une manière de vivre plus libre et plus heureux que d’une figure divine. Le bouddha n’est d’ailleurs jamais présenté comme un quelconque créateur de quoi que ce soit. Il s’agit, au contraire d’un simple être humain qui, par la pratique de la méditation, aurait acquis une profonde conscience de la Vie.

Ceci dit, je vous rassure : je ne suis pas tombé dans une secte étrange et le légendaire entourant la vie de Siddhartha Gautama n’a pas beaucoup été abordé. Ce légendaire ne m’intéresse d’ailleurs qu’assez peu hormis pour son aspect folklorique.

Ma sesshin

Je me suis retrouvé un petit peu perdu au début de cette sesshin, je dois bien vous l’avouer : je me suis retrouvé à vivre, manger et méditer pendant une semaine avec des gens que je connaissais pas du tout hormis FF Shukke que je n’avais quand-même jamais rencontré avant (j’aime l’avanture ! :D ). Je suis parti le matin en voiture avec deux femmes très sympathiques pour 10 heures de route. Nous sommes arrivés le soir un peu avant l’heure du repas dans un magnifique domaine paumé au milieu des montagnes. Là, j’ai appris que je partagerai un bungalow avec 6 personnes que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam. Pour moi qui avait eu l’habiture de dormir seul dans ma chambre depuis les 14 ans, ça m’a fait un peu bizarre. Mon diaspoto, lui, était occupé avec l’organisation des arrivées et je n’ai pas eu le temps de discuter avec lui avant le repas, plus tard dans la soirée. Je me suis rendu compte que, parmis tous les pratiquants, je n’étais pas le seul débutant, mais que j’étais quand-même le seul à n’avoir jamais pratiqué de toute de ma vie. FF Shukke s’est d’ailleurs le soir, au repas, fendu en rigolant de cette réplique qui me restera en tête toute la sesshin : « je m’en suis pas rendu compte mais en fait, tu sais pas du tout dans quoi tu as mis les pieds ». Et effectivement, j’étais loin de me douter que la pratique du zen serait aussi intensive.

L’on m’expliqua alors très vite les règles du séjour : il y a une plaque de métal devant la cantine, quand on la tape, c’est l’heure du repas ; il y a une plaque de bois devant le dojo, quand on la tape, c’est l’heure du zazen. Pour le reste, faites ce que vous voulez. Avant de partir, j’ai oublié de prendre mon ordinateur. J’ai donc eu beaucoup de temps pour lire sur la tablette… L’on m’expliqua également la posture à adopter lors des zazen puis s’en était plié pour ce jour là. Nous allâmes tous nous coucher, exténués par le voyage.

Alors quand je vous disais que ç’avait été intensif, voici ce que je vous disais : les zazen ont commencé le lendemain de mon arrivée à raison de trois ce jour-là, le compte allant en augmentant au cours des deux jours qui le suivirent pour arriver à 6 la veille du nouvel an. Le premier zazen avait lieu à 7h du matin donc réveil à 6h30. Le sixième du dernier jour s’est terminé à 3h du matin le lendemain.

Le zazen

Comme je vous l’ai expliqué, le zazen se pratique en tailleur — ou accroupi pour ceux qui ne peuvent pas tenir la position jambes croisées — pendant une heure et demi. Oui, j’ai oublié de vous dire : les zazen durent une heure et demi à raison de deux portions de 40 minutes assis en tailleur entrecoupées par une marche de 10 minutes appelée kinhin. « je m’en suis pas rendu compte mais en fait, tu sais pas du tout dans quoi tu as mis les pieds » :D

J’ai trouvé cette position très confortable et je n’ai eu aucun mal à la tenir une heure et demi sauf vers la fin où mon dos finit par m’invectiver. Il paraît qu’il est très courant chez les débutants d’éprouver de la douleur au genoux, au chevilles ou aux hanches mais il faut croire que je suis assez souple.

Le premier jour, les trois zazen se sont déroulés à 7h, 17h et 20h, après le repas. Le second, à 7h, 11h, 16h30 et 20h, le troisième à 6h30, 11h, 16h30, 20h et 1h du matin. « je m’en suis pas rendu compte mais en fait, tu sais pas du tout dans quoi tu as mis les pieds » :D

C’est vrai qu’on se rend pas compte, mais en fait, rester en tailleur pendant une heure et demi est assez exténuant. Surtout quand on le fait 6 fois dans la journée. Autant vous dire que lorsque ça s’est terminé au troisième jour à 3h du matin, j’étais dans un état assez second, fatigué, shooté par l’endorphine sécrété par mon corps et heureux de pouvoir me dire que je l’avais fait ; malgré la douleur dans le dos, j’étais resté jusqu’à la fin.

Les zazen que j’ai préférés étaient ceux du matin car lorsqu’on entrait dans le dojo, à 7 heures, il faisait nuit et lorsqu’on en sortait, à 8h30, le soleil commençait à se lever sur les montagnes.

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Je trouvais ça magnifiquement poétique.

Le zazen se pratique donc dans un dojo :

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On y rentre du pied gauche, on salue l’autel et on en ressort du pied droit après avoir salué l’autel. Ça peut faire bizarre au départ. Moi, j’ai pratiqué plusieurs art martiaux, donc ça ne m’a pas choqué. On retrouve ce respect du dojo et cette solennité dans tous les arts du corps asiatiques.

Le début du zazen est donc consacré à la méditation puis, suivant les écoles, il y a parfois, à la suite de cette méditation une cérémonie au cours de laquelle sont récités des sutras dans un mélange de sanskrit et de vieux chinois. Je dois vous avouer, lorsque l’on ne le sait pas, au départ on flippe un peu et on commence à se dire qu’effectivement, on est peut-être tombé dans une secte. En en discutant avec plusieurs pratiquants, beaucoup m’ont confirmé cette première impression. Finalement, j’ai finis par comprendre que le cérémonial est là essentiellement pour le folklore et le spirituel. En tout cas pour la plupart des pratiquants. Une fois passé le premier choc, j’ai trouvé ça plutôt esthétique et agréable à regarder et personne ne s’est offusqué que je me mette en retrait et que je ne chante ni n’apprenne les sutra.

L’aute chose qui frappe beaucoup, c’est le silence. Nous vivons dans un monde en constant mouvement. J’ai personnellement beaucoup de mal à trouver des instants de calme et de sérenité dans ma vie. Je ne vis pas seul, je travaille en open-space et j’ai beaucoup de transport pour aller au travail ou à l’école. Alors se retrouver dans un domaine au milieu des montagnes, avec une trentaine de personnes assises sans parler pendant aussi longtemps, c’est étrange et très agréable.

La soirée et le premier zazen de l’année

Je vous avoue, je n’ai aucune idée de si cela se pratique dans toutes les sesshin de fin d’année ou si c’est juste le groupe qui m’a accueilli, mais l’année s’y est terminée par une soirée agrémentée d’une bonne grosse cuite pour beaucoup d’entre nous.

Cette soirée commence par un buffet qui introduit un spectacle. Dans le groupe, une bonne part des pratiquants et moines venaient du monde du spectacle et du cirque. Ce fût l’occasion de présenter des saynètes tout à fait hilarantes. Après un excellent repas concocté par le tenzo (le cuisinier, dans un monastère bouddhiste), nous nous sommes rendus au dojo après minuit pour la première cérémonie de l’année. Cette cérémonie sert traditionnellement à couper le karma. Chaque pratiquant passe tour à tour devant une cloche pour la faire sonner. Cet acte sert à se détacher des problèmes de l’année, faire table rase pour commencer sereinement la nouvelle année.

Ensuite, nous avons pu nous murger lamentablement et pour certains, danser jusqu’à plus de jambes. La soirée dans ce groupe, est un élément très important. L’occasion de relâcher toutes les tensions de l’année et faire une bonne grosse fête ensemble. D’autant que certains se sont retrouvés après s’être perdus de vue durant des années.

Le lendemain, tout le monde se réveille avec la gueule-de-bois et se dirige une dernière fois vers le dojo pour le premier zazen de l’année. Ce zazen est, pour tout vous dire, très particulier. Essentiellement parce qu’il se pratique avec des relents d’alcool et, pour certains, encore en légère ébriété ce qui donne d’épiques moments de franche rigolade.

J’arrive à la fin de ce billet et je suis bien embêté car j’ai l’impression, finalement, de ne pas vous avoir raconté grand chose sur le zazen. Je n’ai pourtant pas grand chose de plus à vous raconter. Il faut bien comprendre que pratiquer le zazen, c’est s’asseoir en tailleur pendant un temps qui peut parfois paraitre considérablement long, en compagnie d’une trentaine de personnes et pourtant se retrouver tout le long seul avec ses pensées. selon l’état d’esprit qui nous anime au moment où l’on commence le zazen, ça peut alors très bien se passer comme complètement tourner au vinaigre. Ça a d’ailleurs été mon cas lors de deux d’entre eux pendant lesquels de noires pensées sont venues me rendre visite.

Je ne peux que terminer en remerciant Carole et Carmen avec qui j’ai fait la route jusqu’à la sesshin, et FF Shukke, mon diaspoto qui m’y a invité. (Carmen, je passerai faire un zazen au dojo dans pas longtemps ;) )

Déjà 9 avis pertinents dans Mon nouvel an chez les bouddhistes

  • FF
    T’as pas dit que tu t’es fais taper dessus à coup de bâton ni que t’as été incité à donner ton argent à la secte .
  • Cascador
    Article très intéressant, merci ! Lors des 1h30, on laisse réellement vagabonder son esprit ou on réfléchit et on avance dans notre réflexion sur un sujet précis ?

    Merci, Tcho !

  • FF
    Pour préciser la réponse d’Augier, il ne s’agit ni de laisser vagabonder son esprit ni de réfléchir mais bien de laisser passer les pensées sans les rejeter ni construire de raisonnements à partir d’elles . Les pensées apparaissent comme des bulles qui remontent à la surface, juste les laisser remonter et éclater . Lorsqu’une pensée apparaît, l’esprit à tendance à s’en saisir et à construire une suite de pensées à sa suite . Lorsque l’on se rend compte que l’on est entrain de penser, quel que soit ce à quoi l’on pense, on revient à la concentration sur la posture et sur la respiration, ce qui permet ce fameux « laisser passer » des pensées . L’idéal étant de demeurer constamment concentré sur sa posture, ses sensations et sa respiration .

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