La quantité et la qualité

J’ai pris cher en l’espace de 3 mois.

Je suis arrivé sur le blog-libre et je me suis amusé, j’ai participé à un truc génial et qui me dépassait avec des personnes différentes et très intéressantes. J’ai pris l’invitation de Cyrille simplement c’est-à-dire sans arrière-pensée, la porte est ouverte pourquoi ne pas y aller ? Je n’avais pas compris les règles derrière, j’ai pris ça comme un chèque en blanc. C’est pleinement de mon fait, pleinement mon erreur.

J’ai envie de progresser, envie d’apprendre, soif d’apprendre. La confrontation des idées, le jugement des autres et de ses pairs, est-ce qu’il y a vraiment mieux pour savoir si on est dans le vrai ou sur la mauvaise voie ? Je ne pense pas.

Exposer son point de vue, c’est se mettre à nue, être prêt à se faire juger, chahuter, discréditer. C’est accepter de faire des erreurs, de les reconnaître, accepter les cons, les bien-pensants, les lourds, les trolls. Accepter de ne pas être lu car trop long ou pas intéressant. Accepter la manière de lire des lecteurs et leurs participations finalement accepter la différence, on n’a pas tous les mêmes centres d’intérêt, les mêmes priorités.

Pourquoi je dis cela ? J’ai dû considérablement m’adapter durant ces 3 mois. Je débute encore évidemment et cela m’oblige à savoir quelles sont mes limites. Je n’ai pas la chance comme beaucoup d’autres de faire comme je veux car je ne veux pas bloguer seul dans mon coin. Ça ne m’intéresse pas. Je veux du contact, de la chaleur, des commentaires. Et c’est là où le bât blesse. J’ai crié partout que j’étais sur le blog-libre pour la qualité et la quantité des commentaires. Le blog-libre, c’est fini. La quantité des commentaires s’est évanoui ici. Est-ce que la qualité des commentaires me suffit encore ?

Je ne sais pas. Je suis en train de faire mon cheminement intérieur. Mais le malaise est beaucoup plus profond. Tout le monde critique la communauté du Libre et ils ont raison. On se rend compte qu’on n’est pas une meilleure communauté que les autres. Nos valeurs le sont enfin je le pense, l’ouverture, le partage, l’égalité, la liberté. Nos querelles sont puériles remises à l’échelle du monde, systemd pour ne citer que ça. Les valeurs du Libre, on veut en discuter, on veut en débattre, on veut les définir mais étrangement on ne les applique pas à nos discussions.

Comment parler du Libre sans évoquer le respect, la tolérance, le partage, le fork ? Les idées qui ont guidé le Libre sont des idées de partage. Et finalement on en vient à s’apercevoir que c’est souvent des questions d’ego. Il faut accepter de se tromper. Il faut tout simplement encore accepter de pouvoir apprendre des autres.

Et il faut s’accepter. Accepter ses qualités et ses défauts et ses limites. Je ne dis pas pleinement ce que je pense. Je fais dans la langue de bois et je n’aime pas ça. Pas du tout ça. Ce n’est pas dans ma nature de fermer ma gueule et de me restreindre à dire des choses gentilles.

Le Libre, c’est dépassé. C’est ça le malaise sur lequel je n’arrivais pas à mettre le doigt.

Le Libre c’est dépassé car il est déjà englobé dans une mouvance plus grande, plus colossale. En vrac total les Creative Commons, Wikipédia, l’impression 3D, l’open source, l’open data, le crowfounding etc. etc. C’est maintenant le présent. Le Libre a gagné, c’est fait, c’est terminé. Les valeurs du Libre se sont invitées partout ailleurs. Y compris dans la démocratie, y compris dans le fonctionnement de nos institutions.

Des exemples ? Non ! Je pourrais faire un article entier d’exemples mais ça n’aurait aucun sens, je ne vise pas à convaincre, il n’y aurait aucun sens à le faire. C’est du ressenti. Faut-il vraiment convaincre quand les preuves sont partout ?

Je vais me détacher complètement de cette défaite de GNU/Linux sur les postes de travail. Oui Linux est anecdotique sur les postes de travail et ? Ben on s’en fout. Mais dans le genre complètement. Je veux dire est-ce que c’est une fin en soi ? Je pense que tout le monde s’en fout. Les arguments sont infiniment pertinents :
– Les gens qui sont sur GNU/Linux et *BSD sont satisfaits dans l’immense majorité des cas donc pourquoi en parler ?
– Les gens qui y viennent ont besoin qu’on les aide et qu’on les guide pas qu’on les juge
– L’important et tout le monde le dit et tout le monde le sait mais personne ne l’accepte, c’est qu’on soit satisfait de l’environnement sur lequel on travaille. Si on est satisfait de travailler sur Mac, je ne vois aucun argument digne de ce nom, de changer cela. La priorité, c’est la satisfaction de l’utilisateur. GNU/Linux ne convient pas à tout le monde et c’est normal
– GNU/Linux a encore de nombreux défauts mais cela fait un moment maintenant que c’est **fiable, viable et simple**
– Aussi pertinent que soit GNU/Linux, l’Histoire qui a fait que Windows soit partout (ou quasiment) sur les postes de travail et les habitudes des utilisateurs qui en ont découlé sont quasiment inébranlables. C’est comme ça, cela fait partie de l’Histoire. Il faut accepter que GNU/Linux partait d’infiniment loin et que malgré tout, ça a percé. Des millions d’utilisateurs utilisent GNU/Linux et ils en sont satisfaits, c’est l’essentiel.

Le Libre, c’est dépassé dans mon esprit. Ce sont les valeurs qui sont importantes à mes yeux. Je ne passerai plus tout mon temps à me justifier ou à prouver les choses. J’aiderai ceux qui veulent l’être, j’ai envie de serrer des pinces, d’aider ceux qui vont dans le bon sens et qui font. J’ai moins envie de critiquer les erreurs du passé, j’ai envie de contribuer au présent.

Peu importe 1 commentaire ou 100, si cela a servi à une personne, c’est suffisant, ça valait la peine. Je choisis la qualité aujourd’hui. Je ne peux pas plaire à tout le monde, je ne peux pas convaincre tout le monde, je ne veux pas passer ma vie à convaincre, c’est moins un problème technique, de communication et d’ouverture qu’un problème humain. Ceux qui se sentent proches des sujets comme l’anonymat, le Libre, l’open source, le partage, la mouvance Hacker etc. etc. trouveront leur chemin.

Finalement je suis allé au bout de ma réflexion d’un billet précédent. Il ne faut plus s’adresser à ceux qui savent mais s’adresser à ceux qui veulent savoir. Je viens juste de raccrocher les wagons dans ma réflexion. Ma façon d’écrire, ma communication, mon temps seront tournés vers cela. Par définition ceux qui savent (donc ceux qui sont intéressés par les sujets du Libre, de GNU/Linux etc.) devraient être le public « cible » de mes écrits. Ils ne le seront pas, ils n’apprendront sûrement pas grand-chose. J’accepte donc le peu de commentaires que j’aurai, tant que cela sert à une personne, c’est suffisant pour moi.

Je vous invite VRAIMENT, VRAIMENT, VRAIMENT à lire :
https://ploum.net/le-cout-de-la-conviction/
http://arpinux.org/devblog/article25/ma-naivete-politique-de-libriste
https://diaspora-fr.org/posts/661305
http://genma.free.fr/?Repas-de-famille-ordinaire

Un jour il y a peu de temps quelqu’un m’a fait une réflexion qui m’a mis profondément mal à l’aise, il m’a dit : « j’ai du vrai libre à aller faire avec de vrais gens ». Je l’ai mal compris, j’ai pris cela comme une attaque personnelle. Du coup, ça m’a forcé à réfléchir. Il est indéniable que dans ma démarche de bloguer, je souhaite apporter ma contribution au Libre (ou à la mouvance plus grande que j’ai décrite plutôt). J’ai cru qu’il m’interrogeait sur Est-ce que ce que tu fais est utile ? Est-ce que ce que tu fais c’est du Libre ? Est-ce que tu fais quelque chose pour le Libre ? Je pense à la fin de ce billet savoir où je vais, savoir ce que je veux faire, faire du VRAI Libre tel que je le conçois.

Je vous invite VRAIMENT, VRAIMENT, VRAIMENT à m’en foutre plein la gueule si vous n’êtes pas d’accord. Attention, j’apprécie la critique constructive avec des arguments pas juste un lapidaire « c’est de la mer** ». Tout le monde peut se tromper, n’hésitez pas à le dire si c’est mon cas et merci !

Déjà 9 avis pertinents dans La quantité et la qualité

  • A1
    Interessante lecture. Je ne la commente pas directement, mais je pense que tu seras sensible à cet échange que j’ai eu avec ploum au sujet de son billet sur le coût de la conviction (le « tu » fait référence à Ploum)


    Globalement, je souscris à ce que tu as écrit. Il me semble rester
    néanmoins 2 pistes qu’il serait risquées de ne pas explorer.

    La première, c’est que, symétriquement au « coût » de changer d’opinion,
    je crois il y a également un « gain » à en changer. Les 2 se superposent
    même parfois. Je m’explique: si le « coût » du changement est généralement
    principalement payé par l’ego, le gain est généralement attribué au
    « soi ». L’humiliation d’avoir été dans l’erreur, un référentiel qui
    bascule, la perte de repères et de confiance, sont tous très désagréable
    pour l’ego. C’est au contraire salvateur car nécessaire à la pleine
    appropriation sa propre existence. Pour reprendre l’allégorie de la
    caverne, le coût du changement serait celui d’abandonner les ombres sur
    le mur, mais à ce dernier il faut adosser un gain sans aucune
    proportion: entrer dans la réalité, pouvoir la vivre et agir sur elle –
    ou pas, mais en tout cas s’y frotter. D’une certaine façon, en mettant
    en avant le « coût du changement » dans le domaine de la religion, tu
    prends l’axe inverse de celui de Pascal et de son pari: il était
    focalisé non pas sur le coût du changement, mais sur le gain qu’il
    apporte (je prends des raccourcis), et faisait le constat que dans ce
    domaine, le gain est potentiellement si grand qu’il efface tout coût.

    Le second point porte sur le mot religion. Tu vises très juste quand tu
    mentionnes que pour certains, la religion est le fondement de leurs
    relations sociales. C’est leur culture, souvent héritée, c’est une part
    très importante de leur vie. Je crois d’ailleurs que la religion n’a pas
    vocation a être quoi que ce soit d’autre qu’un système de représentation
    du monde (je paraphrase wikitionary) fondé sur une croyance en une
    transcendance. À ce titre, la religion peut être perçue comme plutôt
    « positive » ou « négative », suivant l’acceptation des valeurs qu’elle
    promeut par l’écosystème social de l’individu. Le « gain » qu’il y a à
    être religieux n’est donc qu’un gain potentiel (suivant l’acceptation
    sociale), et ce gain peut bénéficier à la fois à la communauté et/ou à
    l’individu religieux. Si la religion a donc des conséquences
    inter-humaines potentiellement importantes, le « gain » qu’elle permet
    potentiellement est vulgaire comparativement à celui promis à celui qui
    adhère à la croyance sur laquelle elle est fondée. Dit autrement: pour
    celui qui « croit », la religion est une excroissance de la foi. Pour
    Pascal, c’est cette dernière qui prime car le gain qu’elle entraine pour
    le croyant émane de la transcendance elle-même. Il ne s’agit pas d’un
    gain sociétal potentiel comme dans le cas de la religion, mais d’un gain
    individuelle reçue de la transcendance, de nature spirituelle.

  • A1
    Entièrement d’accord.

    Comprendre suppose une volonté de se rapprocher de l’autre. La plupart des argumentations sont simplement positionnelles, mises en scène de l’ego bien davantage que souci de considérer l’autre comme altérité.

    Quand bien même la volonté de se rapprocher de l’autre est là, et quand bien même ce qui est dit par cette altérité est entendu – modulo donc les imperfections du langage -, ce qui est dit ne peut être accepté que si pré-existe en soi une place pour accueillir. Or, ici aussi, l’ego prend souvent toute la place, en réaction de défense face à la peur primale de l’incomplétude/faiblesse/bêtise/incompréhension, etc…

    Il en ressort que la plupart de « ceux qui peuvent comprendre l’autre » sont ceux qui ressemblent à cet autre qu’ils écoutent, et qui n’est donc pas tout à fait « Autre ». D’où la place des phénomènes tribaux, communautaires, de castes, et l’homophilie générale des « entre-sois », particulièrement sur les réseaux numériques car ces derniers permettent à ces entre-sois de grandir en s’affranchissent des distances géographiques. D’où aussi les phénomènes d’exclusion, de peur de l’inconnu, de l’étranger, de polarisation qui peuvent remettre en cause l’ordre sociétal, et donc le rôle singulier (amplificateur, subversif et performatif) des réseaux numériques dans ce dernier et les luttes qui les entourent – neutralité du net?

    C’est sans fin. D’ailleurs, je suis tombé sur ton blog parce qu’il me ressemble. Ce n’est pourtant sans doute pas toi qui aurait le plus besoin de lire ce que j’écris. Malheureux, non?

    Alternative: accepter de vivre dans l’humilité et l’incomplétude, prêt à accueillir chacun, et gardant pour chacun une place où ce dernier peut rayonner. Sans complaisance ni condescendance, mais avec une bienveillance totale. Tout un programme :)

  • A1
    Les baba-cool n’ont heureusement pas le monopole ni de l’humilité ni de l’incomplétude :)

    Ce dont je parle, ce n’est pas un relativisme peace and love, mais d’habiter le doute avec fougue et conquête. Maximalement proche de l’autre pour le rejoindre où qu’il soit, maximalement distant pour ne pas se perdre hors de soi. Un grand écart radical, en quelque sorte. Une dynamique de vie, certainement.

    Je n’ai pas de blog. Ou presque. Si cette pensée t’intéresse, on peut continuer ici, ou par mail.

  • pierre
    Pour info et peut-être pas vraiment en rapport direct avec le post, je suis le flux RSS du blog suite aux contributions sur le blog-libre et la série d’articles sur server@home ..
    Ça motive ? I hope so …
  • Cascador
    Hello,

    Je n’ai pas l’intention de m’arrêter sur server@home mais j’ai pris du retard il est vrai. La fermeture du blog-libre, savoir où j’allais et si j’avais encore envie bref. Il est probable que le prochain billet sera un server@home mais je suis en pleine gastro ça n’arrange rien lol.

  • Cascador
    Par mail plutôt je n’aime pas « polluer » les articles. « D’ailleurs, je suis tombé sur ton blog parce qu’il me ressemble. Ce n’est pourtant sans doute pas toi qui aurait le plus besoin de lire ce que j’écris. » donc tu écris ou pas ? Ce sera avec plaisir que je te lirai.

    Tcho !

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