Le Syndrome de l’imposteur

Cet article a été initialement écrit sur le blog-libre aujourd’hui fermé, certains liens dans l’article peuvent donc être morts.


C’est un sujet excessivement personnel, le genre de choses qu’on préférerait ne pas exposer. Mais je suis là pour partager et comme mettre un nom sur une chose permet de mieux l’appréhender je vous en parle car je sais que nous sommes nombreux dans ce cas.

J’ai découvert ce syndrome sur l’excellent blog de Zythom. Je vous invite donc à lire son article et vous colle ci-dessous la définition de Wikipedia (que j’ai simplifié pour une compréhension plus simple) :
Les personnes atteintes du syndrome de l’imposteur, appelé aussi syndrome de l’autodidacte, expriment une forme de doute maladif qui consiste essentiellement à nier tout accomplissement personnel. Ces personnes rejettent donc plus ou moins systématiquement le mérite lié à leur travail et attribuent le succès de leurs entreprises (au sens du mot action pas du mot société) à des éléments qui leur sont extérieurs (la chance, un travail acharné, leurs relations, des circonstances particulières). Elles se perçoivent souvent comme des dupeurs-nés qui abusent leurs collègues, leurs amis, leurs supérieurs et s’attendent à être démasquées d’un jour à l’autre.

J’ai le syndrome de l’imposteur, vous remarquerez également appelé aussi syndrome de l’autodidacte. J’ai l’impression de mentir aux lecteurs quand j’écris ici, la sensation de n’avoir aucune légitimité quand je poste un billet ou que je réponds à un commentaire. J’ai peur, peur qu’on me démasque, peur qu’on me ridiculise. Pourtant je prends sur moi parce que je crois en l’idée de Partage et parce qu’il n’y aurait aucun sens à parler du Libre et de GNU/Linux si à un moment ou à un autre je ne participai pas.

J’ai une formation Bac+2, un DUT trop généraliste (même si il est dans le domaine de la communication/informatique) pour prétendre à un emploi. Pour faire simple et court, j’ai vu plein de choses durant mon DUT mais rien d’assez approfondi pour pouvoir le pratiquer comme un vrai travail. J’ai arrêté mes études ensuite pendant que les copains continuaient sur une licence ou un diplôme d’ingénieur. Je n’ai aucun regret, vraiment aucun. Il fallait que je bosse, les études j’en avais ma dose, j’avais envie d’avoir de l’argent, de me lancer dans la vie active. Quand on est jeune on a des envies et on est invincible, on se lance, on ne se retient pas. C’est la vie qui ensuite à coup de baffes dans la gueule se charge de vous rappeler les réalités.

Durant mes études j’étais équipier de vente à Carrouf pour payer l’essence et les sorties. Après les avoir terminées, je suis arrivé à décrocher un 19h. La Grande distribution a tout compris à comment avilir une personne. Elle ne vous fournira quasiment jamais un 35h, juste ce qu’il faut pour que vous surviviez mais juste pas assez pour que vous puissiez sortir de cette zone d’inconfort et de servitude. Le 35h est le paradis promis qu’on n’atteindra jamais et la promesse d’avoir un individu docile pour longtemps.

J’étais en conflit avec mes parents à l’époque, genre jeune couillon sûr de lui, pas d’insultes dans la gueule mais pas de soutien non plus : Cherches du boulot ! Tu ne vas pas rester toute ta vie comme ça ! Tu comptes rester toute ta vie ici ?

Actif à la tâche, un animateur de vente (et patron de sa propre société) m’a remarqué au bout de quelques mois et m’a proposé un ticket pour la gloire. La gloire pour des journées de 07h00 à 20h00 à vendre de la choucroute et de la charcuterie mais un CDI et une paye mirobolante pour moi à l’époque. J’ai signé puis j’ai perdu mon emploi au bout de quelques mois. Une collègue animatrice de vente (plus de la cinquantaine) dans la même société que moi m’a demandé de lui passer un produit pour un autre bien évidemment moins cher (on ne parle pas d’une télé mais d’un déjeuner du midi, un gain de 3-4 euros). Elle s’est faite gauler, le chef de la sécurité est venu me voir, le chef du rayon aussi, j’ai été exclu du centre commercial. J’ai porté le chapeau, je n’ai rien dit, elle m’avait convaincu de le faire. Soit c’est moi qui sautait (en disant que c’est moi qui avait fait une erreur pas elle qui m’avait demandé de le faire) soit c’était elle. Mais avec 10 ans dans la même boîte et étiquetée voleuse, c’était terminée pour elle. Elle ne retrouverait plus de boulot. Bienvenue dans le monde du travail.

Noir c’est noir vous dîtes ? Je n’ai là aussi aucun regret, aucun. Certes j’ai été manipulé mais je n’étais pas stupide, elle était foutue si j’avais pris une décision différente. J’étais de toute façon moi aussi responsable car j’avais accepté de lui passer son déjeuner moins cher, erreur de débutant devant le grand sourire d’une ancienne de la boîte. A l’heure actuelle, un seul ami est au courant, j’ai fait le vide autour de moi pour que personne ne sache. Mes parents, mes frères, ma famille, mes amis, Pupuce, personne ne sait. Je suis un voleur, traité et renvoyé du centre commercial comme tel.

Mon patron qui m’avait embauché a très mal pris la chose. Il m’a proposé une place dans un centre commercial encore plus éloigné (je passais de 45 mn de trajet à 1h), avec une ambiance de travail de merde (le patron serait sur moi tout le temps), le fait que ça se saurait tôt ou tard que j’avais « volé ». C’était la fin de la route, j’ai dit non. Il a crié, il était furieux, j’étais une déception, la relève qu’il avait formé, il avait cru en moi. Mais j’ai dit non. Il a fallu le forcer à me payer mon dû car il refusait, il voulait me contraindre à continuer. Un mépris et une déception infinie dans ses yeux quand j’ai récupéré mon solde de tout compte. J’étais revenu à la case départ, pas de boulot, peu de revenu, un ego dévasté, une histoire a soigneusement cacher sous le tapis.

J’ai galéré car évidemment je n’ai pas trouvé de boulot. J’ai tiré des palettes de légumes dans des entrepôts frigorifiques autour de 2°C entre 06h00 et 13h00 en Intérim. Je devais avoir 23 ans. C’était le trou noir. Mon compte en banque était régulièrement entre -200 et -250 euros. J’avais peur de ne pas pouvoir me payer le restau avec les amis. J’avais peur de bloquer ma carte en remettant de l’essence et ne pas pouvoir revenir chez moi. Peur de la honte.

J’ai galéré pendant 1 an puis je suis arrivé à trouver un boulot dans une petite boîte d’informatique. Un de ces bons vieux patrons qui vous prend parce qu’il voit que vous comprenez le job mais surtout que vous allez vous crever le cul à la tâche. Bien payé pour un vrai premier boulot (dans mon domaine) mais infiniment pas assez au vu des heures. Je décollais à 05h30 le matin et je revenais à 19h (20h le vendredi car ça roulait mal).

Les choses se sont accélérées, j’ai pris de l’ampleur. Mon collègue (càd la personne qui m’a formé) est parti, je me suis retrouvé seul. Il a fallu gérer et bosser, ça a pris. Puis l’entreprise qui faisait 95% de notre chiffre d’affaires m’a débauché. Pourquoi me payer moi, mon patron et une secrétaire alors que je suis le seul que le client voit et qui apporte de la valeur ?

J’ai pris 300 euros de plus sur mon salaire pour faire le même job mais mon ancienne boîte a fermé. Dit comme ça je passe pour le méchant mais j’étais seulement une pièce dans le jeu des puissants. Mon ancien patron a menacé de m’attaquer en justice, le nouveau m’a dit qu’il me défendrait avec son avocat. C’est aussi cela le monde du travail.

Je suis parti quand j’ai senti le vent tourner, 2009 la crise de l’immobilier pour un courtier immobilier c’est pas bon. Je suis officiellement devenu Administrateur Système et Réseaux. J’ai aussi réellement appris mon métier durant les 3 années qui ont suivi, travailler en équipe, les projets, l’organisation, la communication, les serveurs etc.

Puis je suis tombé amoureux de GNU/Linux, j’ai senti que c’était ma voie. Il fallait que je bouge pour pouvoir en faire et monter en compétence dessus. J’ai choisi l’entreprise où je suis actuellement. Je suis parti de zéro pour arriver à un niveau que je juge acceptable (dans mon esprit) concernant GNU/Linux. Pour autant, je ne gère que 6 machines virtuelles GNU/Linux actuellement, c’est ridicule. Il y en a eu plus, il y en aura sûrement plus mais nous sommes dans une phase de consolidation et de concentration. On ramène les services sur un minimum de serveurs. Mon job c’est 80% Windows et 20% GNU/Linux (et 100% à la maison).

J’ai passé ma certification LPIC-1 (Linux Professional Institute) en fin d’année dernière que j’ai obtenu. Une grande fierté et une grande déception. J’ai prévu de faire des articles dessus. Sur mon contrat de travail je suis officiellement Ingénieur Système et Réseaux. Dans ma tête j’ai des lacunes énormes car je n’ai pas fait d’études d’adminsys. J’ai un historique de 3-4 ans sur GNU/Linux ce qui est très court, je ne bouffe que ça depuis, blogs, articles, magazines, livres, tests.

Alors je me le demande en boucle, est-ce que j’ai une légitimité à poster ici, à parler de GNU/Linux, à faire mon job d’adminsys ou suis-je un dupeur-né ?


J’ai fait cet article :
– Parce qu’on a tous commencé GNU/Linux en bas de l’échelle, je m’en souviens comme si c’était hier car c’était hier en ce qui me concerne. On est pour l’immense majorité autodidacte, n’oubliez pas que le petit nouveau qui vient d’arriver n’a pas besoin de vos jugements et railleries mais juste besoin d’un coup de main. C’est l’esprit du Libre, le partage
– Mes pairs me jugeront. Si je suis un imposteur, je le saurai. J’ai appris la totalité de mon job sur le tas sans formation ni étude d’adminsys. Et pour tous ceux qui se sentent comme des imposteurs, j’espère qu’ils se sentiront moins seuls et qu’ils crèveront l’abcès
– Parce que j’ai une grande gueule et j’emmerde les biens pensants. Tout n’est pas noir ou blanc, la vie et les gens sont infiniment complexes
– Parce que je sais que nous sommes nombreux à nous prendre pour des imposteurs. Nous avons tous nos faiblesses, nos erreurs, nos hontes, notre passé. Ça ne doit pas vous empêcher d’avancer, encore moins de Partager avec la communauté, laissez les imbéciles vous descendre en flamme en deux lignes dans les commentaires, votre vie c’est ce que vous en faites pas ce qu’en pensent les autres
– Parce que j’ai un petit frère qui lira ça un jour et qui, comme tous les petits frères, idéalise son grand frère. Il voit ses deux grands frères se faire chier comme des cons pour avoir des vies de merde, pour avoir un toît, une famille qui tient la route, une vie décente et digne. On a bu la tasse et on s’est relevé, la preuve je suis devenu Spartiate sur le blog-libre !
– Pour Zythom et ses articles, surtout pour Celti qui m’a récemment rappelé que c’est dur de se lancer et qu’il faut aller chercher son courage loin
– Parce que le Saint Patron de ce blog m’a dit ok

Déjà 4 avis pertinents dans Le Syndrome de l’imposteur

  • serge
    c’est une blague, cet article. qu’elle est le lien entre la légitimité sur un poste de sysadmin/réseau et le fait d’avoir un diplôme en informatique ? il y en a aucun, retire ça de ta tête. j’ai déjà vu des gens avec diplôme de plusieurs écoles d’informatique qui ne savais pas taper sur un clavier et ne comprenais même pas deux simples boucles imbriqués. Et ça ce n’est pas une blague, c’est la réalité.

    Les gens compétant, motivés et qui adore ce qu’ils font, c’est très difficiles à recruter, on tombe sur plein de personnes qui font de « l’informatique » sans passion, juste par convenance ou facilité.

    La bonne nouvelle, c’est qu’il sont très nombreux, donc c’est argument supplémentaire pour mieux se vendre.

    A+

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